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posé dans ses ingénieuses et savantes considérations. L’idée permet d’asservir le mécanisme, mais comme Bacon veut que nous asservissions la nature : parendo. Pour produire un effet mécanique sans une action mécanique, répétons-le, il faudrait produire cet effet sans y penser, sans se le représenter dans sa pensée, et conséquemment sans l’avoir déjà commencé par cette pensée. Nous ne pourrions échapper au mécanisme que par une idée qui n’aurait absolument plus rien ni de mécanique ni de sensible, une νόησις ἄνευ φαντασίας, une pensée sans manifestation cérébrale, comme celle que s’attribuent un peu généreusement les spiritualistes. Du moins y a-t-il des idées qui se rapprochent de ce pur idéal, sans l’atteindre, et parmi lesquelles nous placerions volontiers l’idée de l’éternité. C’est en agissant de ces idées que nous tendons vers notre idéal de liberté. L’idée de ce qui serait hors du temps agit alors dans le temps même : de là une théorie synthétique, comme celles que nous avons proposées ailleurs, où peuvent se rencontrer les adorateurs du temps et les adorateurs de l’éternité, Mais ce sont là des considérations dont nous ne pouvons donner aujourd’hui qu’une incomplète esquisse, car nous n’avons point pour cela à notre disposition je ne dis pas le temps, mais, ce qui est décisif au point de vue mécanique : l’espace, Le peu que nous avons dit suffira, nous l’espérons, pour faire entrevoir sur quel terrain nous chercherions à nous rapprocher des adversaires que nous avons cru devoir critiquer au point de vue logique et mécanique, tout en rendant pleine justice à leur science et à leur habileté.

Alfred Fouillée.