auteurs, s’en rapproche pourtant chaque année davantage, d’où le rapport conclut que l’esprit d’association diminue chez les criminels et les délinquants. Ce serait étrange et en contradiction avec les progrès constatés de leur sociabilité spéciale. Ils ne demanderaient pas mieux que de pouvoir s’associer encore pour arrêter et piller les trains en marche comme les brigands espagnols ; mais le sentiment de leur impuissance les retient ou la certitude du châtiment.
Faudrait-il par hasard maintenant adresser des reproches à la magistrature ou au jury ? Quant à la magistrature, son chef la couvre de fleurs, à tel point qu’on pourrait la prendre pour une victime bien près de l’autel[1]. Et, de fait, si les chiffres seuls osent encore parler pour elle, au moins sont-ils éloquents. Le bilan judiciaire du dernier demi-siècle n’est que le tableau de ses incessants progrès, aussi bien que de ceux de la criminalité, à peu près comme on voit se perfectionner la médecine en temps d’épidémie. Pendant que le nombre des plaintes, dénonciations et procès-verbaux adressés au parquet a plus que triplé en cinquante ans, et que par suite le travail des magistrats a augmenté d’autant, la célérité des poursuites, de l’instruction et des décisions judiciaires a cependant presque doublé. La proportion, sur 100 affaires correctionnelles de celles, qui ont été jugées dans le premier mois à partir du délit a passé graduellement de 32 à 78 ; et, si la loi de 1863 sur les flagrants délits a contribué à ce résultat, qui « peut se passer de commentaires », elle n’a pu influer en rien sur des résultats analogues relatifs aux affaires réglées par ordonnances des juges d’instructions, arrêts des chambres de mises en accusation, arrêts de cours d’appel jugeant en appel de tribunaux correctionnels. Aussi la prison préventive, dure nécessité, va-t-elle s’abrégeant. 59 fois sur 100, il y a 50 ans, elle durait moins d’un mois, maintenant 80 fois sur 100, « et l’on doit présumer, dit le rapport, que la limite du possible a été atteinte. » Ce labeur des magistrats aurait-il par hasard perdu en valeur ce qu’il a acquis en vitesse ? Nullement[2]. De moins en moins, les affaires portées devant les tribunaux
- ↑ Exception cependant pour les justices de paix. « L’institution du préliminaire de conciliation, dit le rapport, est loin d’avoir produit les heureux effets qu’en attendait le législateur. » Le nombre proportionnel des conciliations va toujours en décroissant. En revanche, la nécessité de l’avertissement préalable a été salutaire.
- ↑ « De 1831 à 1835, les deux cinquièmes des affaires (dénoncées au parquet) étaient communiquées à l’instruction, et il n’en était classé comme ne pouvant donner lieu à aucune poursuite que trois dixièmes ; la première proportion est descendue de 41 0/0 à 13 0/0, et la seconde est montée de 31 0/0 à 49 0/0. Ces résultats sont très favorables, l’un en ce qu’il montre le soin que met le ministère public à n’envoyer à l’instruction que les affaires réellement graves ou obscures, l’autre en ce qu’il atteste une grande circonspection dans l’exercice de l’action publique. »