Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
70
revue philosophique

donne au capital, l’imitation-coutume à l’imitation-mode, la petite à la grande industrie, transformation civilisatrice qui vient momentanément en aide à la révolution. Quelle qu’elle soit d’ailleurs, la cause générale dont il s’agit a été repoussée sous l’empire de 1855 à 1866, par une cause générale opposée. Mais en même temps une cause spéciale qui, depuis 1848 ou 1850, stimulait les criminels d’habitude, n’a cessé d’agir avec une force toujours plus grande et croissant plus vite que la criminalité ne diminuait. Quelle peut être cette cause, si ce n’est le socialisme d’État inauguré par les ateliers nationaux, puis par les grands travaux publics, par les confus rassemblement d’ouvriers dans les centres populeux, dus à l’initiative d’un gouvernement inconséquent, contre-révolutionnaire à la fois par en haut et fauteur de révolution par en bas. La carte des récidives, qui se noircit du sud au nord, suivant le degré de densité de la population, confirme à ce point de vue la courbe des récidives, qui s’élève depuis l’époque où les agglomérations industrielles se sont multipliées.

Je ne donne au surplus mon interprétation que pour ce qu’elle est, une vue de l’esprit plus ou moins plausible ; mais le contraste signalé est certain et certainement significatif. En résumé, sur ce point, un gouvernement fort et surtout assis, voilà ce qu’il nous faut, bien plus que des peines fortes, pour « faire peur aux voleurs ». En France notamment, le gendarme par excellence, c’est le gouvernement. On dirait que tous les malfaiteurs ont l’œil sur lui comme les écoliers sur ! le surveillant, épiant son décrédit, ses distractions ou ses somnolences. Sans le prestige de ce gendarme, la gendarmerie ne peut rien. Aussi n’est-ce pas elle qu’il faut accuser.

V

Ni elle, ni la police, ni la magistrature. Cette étude serait incomplète si elle ne montrait à quel point ces trois grands corps sont innocents du mal mis au jour par la statistique criminelle. En ce qui concerne les deux premiers, la statistique atteste leur zèle croissant. En 1841-45, le nombre des procès-verbaux de gendarmerie était de 56,000 annuellement ; en 1876-80, de 189,000. Voici une autre indication non moins significative, je crois. Quoique les malfaiteurs se groupent et se fréquentent de plus en plus, ils osent de moins en moins procéder par bandes, et, à l’inverse des armées en campagne, ils se rassemblent pour vivre, ils se dispersent pour agir. En effet, le nombre des crimes et des délits, toujours inférieur à celui de leurs