blis entre les malfaiteurs par les progrès de la voirie, de la presse et de la poste. C’est donc la force croissante de ce dernier penchant qui s’exprime ici par les chiffres progressifs de la statistique. — En veut-on la preuve ? De 1826 ou 1828 à 1879, la proportion des récidivistes sur 100 accusés ou prévenus a doublé à peu près, et, de 1850 à 1879, elle a augmenté de plus du tiers, mais dans cette dernière période, chiffre moyen, elle a été de 32 pour 100 par an pour toute la France. Or cette moyenne générale est loin d’être atteinte par les départements montagneux ou sans grandes villes, par exemple les Basses-Alpes, la Corse, l’Ardèche, la Haute-Loire et l’Ariège, qui donnent 20 pour 100 ; et elle est grandement dépassée par les départements du Nord, où la population est dense, par la Seine-Inférieure, Seine-et-Oise et la Marne, où elle atteint 40 pour 100, et surtout par la Seine, où elle est de 42 pour 100. Le rapport ajoute en forme de conclusion : « Dans les 43 villes qui ont plus de 30,000 âmes, on compte un récidiviste pour 207 habitants, tandis que dans les villes d’une population inférieure on ne compte 1 récidiviste que pour 712 habitants. » C’est très significatif, surtout si l’on observe qu’on paraît prendre ici l’effet pour la cause. Ce ne sont pas les récidivistes, c’est-à-dire les condamnés ayant déjà rechuté, qui affluent dans les grandes villes, ce sont les grandes villes qui, après avoir attiré les condamnés et les avoir groupés ensemble dans certains quartiers ou dans certains établissements, ont la vertu de les exciter à de nouveaux méfaits. Et l’on voit avec quelle force. Autre considérations dans le même sens : la proportion des récidives en matière criminelle est plus grande qu’en matière correctionnelle, sans doute parce que la force de l’habitude engendrée par l’acte mauvais est d’autant plus intense qu’étant plus mauvais il révèle plus de hardiesses et, après son accomplissement, isole davantage son auteur de la société honnête. En revanche, la progression de cette proportion marche moins vite en fait de crimes qu’en fait de délits. Pour les crimes, elle passe avec une imperturbable régularité, de 33 récidivistes pour 100 accusés en 1851, à 48 pour 100 dans la dernière période ; pour les délits dans le même laps de temps et non moins régulièrement, elle va de 21 à 41 pour 100 : elle double presque. Pourquoi ? Parce qu’il est bien plus difficile aux criminels qu’aux délinquants de se rassembler et que les premiers ont bien moins profité que les seconds de la facilité accrue des communications. L’isolement relatif des condamnés pour crimes, s’il les livre davantage à leurs propres inspirations, les soustrait mieux aux mauvaises suggessions du dehors. — Enfin, observons que la progression est moins sensible pour les femmes que pour les hommes. Les femmes se déplacent et se rassemblent moins.
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TARDE. — la statistique criminelle