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BEAUNIS. — comparaison du temps de réaction

contraire, dès qu’on presse un peu la langue contre la voûte palatine la sensation se produit, la pression faisant pénétrer mécaniquement le liquide dans l’intérieur du corpuscule du goût. D’un autre côté, si, avant de faire l’expérience, on nettoie et on racle soigneusement la langue pour enlever le mucus et l’enduit qui la recouvrent, la sensation suit de beaucoup plus près l’application du corps sapide.

Pour l’odorat, les conditions sont à peu près les mêmes. Les cellules olfactives paraissent se terminer à la surface de la muqueuse nasale par des extrémités libres pourvues de cils chez certains animaux ; mais une couche de mucus les recouvre et s’interpose entre le corps odorant et la cellule olfactive ; aussi, quand nous voulons exercer notre odorat de la façon la plus délicate possible, commençons-nous par balayer par une expiration énergique, en nous mouchant, une grande partie du mucus qui recouvre la pituitaire. Mais il reste toujours à la surface de l’épithélium olfactif une couche mince de mucus, mucus qui est même indispensable et qui, s’il faut en croire Wolff, formerait avec les corps odorants une véritable combinaison chimique.

Toutes ces considérations prouvent jusqu’à l’évidence que la durée de cette première période varie dans les différentes sensations ; instantanée ou à peu près pour la vue, elle est moins rapide pour l’ouïe et le toucher, quoique, pour ces deux sensations, sa durée n’ait qu’une valeur excessivement faible, tandis que pour l’odorat et le goût cette durée peut acquérir une valeur considérable.

Un autre fait est aussi à considérer à propos de cette première période : c’est que les influences spéciales qui peuvent en modifier la durée agissent d’une façon bien différente pour les diverses sensations. Ainsi, pour la vue, par exemple, les expériences de Foucault sur la vitesse de la lumière ont bien montré que cette vitesse dépend de l’indice de réfraction des milieux traversés ; mais, eu égard à la rapidité de la transmission lumineuse, cette cause ne peut avoir aucune influence, et la transmission des rayons lumineux dans les milieux transparents peut être considérée comme instantanée dans n’importe quelles conditions. Pour le son, c’est autre chose ; les variations de consistance, de densité, de structure, de sécheresse des divers milieux que traversent les vibrations sonores peuvent déjà avoir-une action sur la durée de cette transmission ; mais cette action est encore à peine appréciable. Il en est de même sans doute pour le tact.

Au contraire, pour les sensations de l’odorat et du goût, il en est tout autrement, et cette période peut, dans certaines conditions, se trouver considérablement augmentée, suivant l’état de la muqueuse.