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BEAUNIS. — comparaison du temps de réaction

Ici, une analyse minutieuse est indispensable, et je suis obligé d’entrer dans quelques détails.

Dans tout organe de sensibilité spéciale, entre les filets nerveux terminaux et le monde extérieur, se trouvent interposés deux ordres d’appareils ou d’organes : 1o des organes nerveux périphériques, cônes ou bâtonnets de la rétine, corpuscules du tact, etc. ; 2o des organes de protection ou de perfectionnement, milieux transparents de l’œil, couches épithéliales, etc. Par conséquent, tout agent extérieur susceptible de déterminer une sensation spéciale rencontrera successivement :

1o Un appareil de protection ou de perfectionnement, de nature non nerveuse, différent pour chaque sens ;

2o Un appareil terminal ou des organes périphériques spéciaux, de nature nerveuse, mais différents par leur structure pour chaque sens ;

3o Les filets nerveux sensitifs dont la structure paraît à peu près la même dans tous les sens ; il y aurait cependant encore quelques réserves à faire sur ce point.

Voyons comment fonctionnent ces divers appareils, et, pour cela, prenons d’abord un sens quelconque, la vue par exemple.

Quand un rayon de lumière vient frapper la rétine, avant d’arriver sur la couche impressionnable de cette membrane, il doit traverser les milieux transparents de l’œil et les couches antérieures de la rétine. Quelque court qu’il soit, il faut donc un certain temps pour que les vibrations lumineuses se transmettent de la face antérieure de la cornée à la face antérieure de la couche des bâtonnets, en considérant ces bâtonnets (avec les cônes) comme les éléments terminaux, les organes périphériques du nerf optique. Les vibrations lumineuses agissent alors d’une façon encore inconnue sur ces cônes et ces bâtonnets, et ces éléments subissent une certaine modification ; mais cette modification n’est pas instantanée ; quelle que soit sa nature, il faut un certain temps pour qu’elle se produise et qu’elle acquière l’intensité nécessaire pour qu’elle puisse exciter, à son tour, la terminaison nerveuse. Il y a donc là un temps perdu analogue au temps perdu de la contraction musculaire. Enfin, le filet nerveux terminal est lui-même excité par cette modification du bâtonnet auquel il est rattaché plus ou moins immédiatement, et, là encore, on retrouve un temps perdu nécessaire pour la mise en jeu des propriétés du nerf, pour son passage de l’état de repos à l’état d’activité. Dans les actes que nous venons d’étudier, on peut donc distinguer trois périodes successives :