compréhension du tout. La science empirique ne peut comprendre ce qu’est la chose en dehors de ses rapports de causalité, son être réel, sa substance ; elle ne dépasse pas le monde des phénomènes. D’ailleurs elle n’atteint même pas au véritable sens de la causalité, que la perception sensible nous fournit aussi peu que l’observation intérieure, et que nous ne trouvons que dans la réflexion, la pensée. La nécessité causale est une loi apriorique que l’expérience emprunte et emploie. La philosophie véritable y voit non pas un résultat de l’action réciproque des choses, mais une nécessité qui s’impose aux choses et les domine, le principe qui fait leur possibilité et leur réalité ; elle montre que ces forces constantes et régulièrement agissantes qui s’organisent au hasard de leurs arrangements n’expliquent point l’ordonnance du monde, et en appelle à la nécessité rationnelle, qui produit et n’est point produite, qui est active et non passive.
Mais qu’est cette raison, cette pensée ? Nous ne concevons la pensée que comme l’acte, l’effet d’un esprit qui pense, comme une intelligence consciente (à la différence des idéalistes). Ce n’est ni l’être parfait de saint Anselme, ni le Dieu mystique des néoplatoniciens. C’est l’intelligence suprême, qui ne connaît plus de distinction de réel et de formel, d’objet et de sujet, qui saisit les choses, non par une abstraction dérivée de l’expérience, mais « par le mouvement réel de l’esprit », qui en un mot est l’acte pur d’Aristote, l’intuition absolue. Connaître cet esprit suprême, ce n’est pas dépasser l’expérience, c’est l’élargir ; ce n’est pas admettre une réalité transcendante, mais une raison immanente, principe du monde sensible, supérieur au devenir causal et mécanique ; c’est concevoir le monde comme un système téléologique. — Et ce but du monde, cette cause finale, il ne faut point se la représenter à la manière d’une métaphysique passée qui voit dans son Dieu transcendant un potier façonnant à son gré l’argile du monde ; la raison divine agit comme cause immanente dans la réalité extérieure, où elle accomplit ses éternels desseins. — Une telle doctrine est l’opposé de l’anthropo-téléologie, qui rapporte la création entière à l’utilité immédiate de l’homme ; elle ne rejette pas le système mécaniste du monde et la causalité expérimentale ; tout au contraire elle l’adopte, l’interprète et l’achève, laissant ainsi intacts les droits de la science positive et réconciliant les abstractions opposées dans le principe concret de l’esprit absolu. Enfin elle couronne le système du monde par la considération de la vie pratique et morale, où elle accepte et explique, loin de les atténuer, les objections du pessimisme, les problèmes du malheur, de la souffrance et du mal.
H. Siebeck. La notion de la conscience dans la philosophie ancienne. — L’étude de la conscience n’a pas chez les anciens l’importance qu’elle a prise de nos jours, où elle est le centre de toute la spéculation philosophique ; elle n’est alors qu’un fait psychologique à côté d’autres ; on se contente d’en faire l’analyse et de préparer ainsi des matériaux à la philosophie moderne. — Avant Platon, on ne voit qu’un échange