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LA STATISTIQUE CRIMINELLE

DU DERNIER DEMI-SIÈCLE


D’ordinaire, les volumes annuels de statistique envoyés aux tribunaux par le ministre de la justice s’ensevelissent dans les coins des greffes ou des parquets. Il n’en sera pas de même, nous l’espérons bien, de ceux qui viennent d’être publiés et qui, relatifs à l’année 1880 spécialement, sont précédés d’un rapport sur la statistique comparée du dernier demi-siècle, avec tableaux, cartes et courbes graphiques à l’appui. Une telle source d’informations certaines, susceptibles parfois d’interprétations diverses, mais toujours profondément instructives, sur les variations de notre état moral et social depuis plus de cinquante ans et sur les tendances de l’avenir, mérite d’être signalée et recommandée aux philosophes. À ce double intérêt s’ajoute pour nous le plaisir de trouver dans ce magasin de chiffres l’application détaillée et la confirmation de bien des idées théoriques que nous avons plusieurs fois émises dans cette Revue. Mais parlons de ce qui intéresse tout le monde et non de ce qui a trait à notre point de vue particulier, et occupons-nous spécialement de la statistique criminelle.

L’optimisme passe en général pour une vertu officielle, mais elle paraît manquer absolument à l’auteur du Rapport dont il s’agit. Il nous apprend d’un ton alarmant des vérités tristes. Et il y a d’autant plus lieu de l’en louer que ses révélations risquent de servir d’argument aux déclamations politiques. Car l’action des événements politiques sur la criminalité n’est pas douteuse : regardez la courbe des affaires correctionnelles depuis 1835, sorte de profil de montagne en voie de soulèvement brusque après certaines dates, et dites si devant cette silhouette on n’est pas excusable de faire quelques malicieux rapprochements[1]. Mais ce serait perdre de vue les causes

  1. Il est bon cependant de prévenir que la vue des courbes, si on ne la complète et ne la corrige par la lecture du rapport et des tableaux, est très propre à égarer l’esprit.