Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/551

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
541
ANALYSES.ch. richet. Physiologie des muscles et des nerfs .

forme allongée. C’est qu’il y a une étroite relation entre le rôle fonctionnel et la propriété physiologique d’un tissu. Ainsi, dans l’aile des oiseaux qui vivent à l’état sauvage, on ne trouverait pas de muscles à secousse lente et prolongée. Les usages d’un muscle peuvent donc à la longue modifier les propriétés de son tissu. Il y a là un fait curieux d’évolution physiologique.

La fonction première du muscle, la contractilité, est sous la dépendance de cette propriété très générale qui appartient à tout tissu vivant, l’irritabilité. En somme, c’est la faculté que possède le tissu musculaire, comme toute substance vivante, de répondre à une excitation. Cette conception, introduite dans la biologie par Glisson et par Haller, reprise et précisée par Broussais et par Bordeu, a été surtout étudiée par CI. Bernard et, en Allemagne, par Jean Müller et par Virchow. La vie du muscle, qui en définitive a sa manifestation la plus saisissante dans les phénomènes de contractilité, est indépendante de l’innervation — ce fait a été démontré expérimentalement, et il suffit de rappeler, à ce sujet, l’action du curare, qui altère les terminaisons nerveuses motrices et laisse intactes la fibre musculaire et ses propriétés, — et de l’irrigation sanguine — ce dernier fait a été de même démontré expérimentalement. Cependant l’irritabilité ne persiste qu’un certain temps après l’arrêt de la circulation. Cela se comprend aisément, car le muscle n’est pas créateur d’énergie ; mais son irritabilité et, par suite, sa vie cessent quand sa réserve d’oxygène est épuisée ou quand une des substances constitutives de son tissu est détruite ; or, pour qu’il n’en arrive pas ainsi, il faut que le mouvement de nutrition soit continu, c’est-à-dire en définitive que la circulation du sang reste normale. — Vraisemblablement, c’est là ce que pense M. Richet. Mais il a peut-être tort de trop considérer l’activité du muscle indépendamment du courant sanguin. En effet toute substance vivante se trouve dans un certain état physico-chimique ; elle réagit dès que cet état est modifié. C’est dire, en d’autres termes, qu’une irritation amène un changement d’état de la cellule. Mais ces changements d’état ne sont que des actions chimiques qui ne se produiraient pas sans un renouvellement continu de matériaux. N’est-ce pas au fond l’idée de M. Richet quand il définit l’irritabilité « la propriété de l’élément vivant de réagir, suivant sa nature, aux forces extérieures qui modifient brusquement son état actuel ? » (p. 242).

Cette première partie de l’ouvrage se termine par quelques considérations sur la sensibilité des muscles et d’abord sur le sens musculaire. M. Richetadopte dans cette dernière question, si souvent débattue, une solution éclectique. « Nous admettrons, dit-il, que le sens musculaire consiste, d’une part, dans la connaissance de l’effort qu’on fait, d’autre part dans l’excitation, par la contraction même, des nerfs sensibles du muscle. Enfin les changements que la contraction provoque dans les tissus sensibles, tégumentaires ou autres, voisins du muscle, complètent ces deux notions fondamentales » (p. 469). Ainsi M. Richet semble admettre le sentiment de la contraction précédant la contraction même.