NOTES ET DISCUSSIONS
LES ORIGINES LOGIQUES DE LA DOCTRINE DE PARMÉNIDE
M. Paul Tannery (Cf. Revue philosophique, décembre 1882) a essayé de montrer les raisons d’ordre physique que le plus illustre représentant de l’école d’Elée donnait pour point d’appui à sa doctrine. Néanmoins, et si l’on s’en réfère à l’exposition de M. Tannery, conforme d’ailleurs à celle de Zeller (pourvu qu’on s’en tienne aux grandes articulations du système), on reconnaît bien vite que les raisonnements fondés sur la seule expérience ne rendent pas un compte suffisant du système.
L’unité de l’être, selon Parménide, n’est pas un axiome. Elle se démontre, mais indirectement. Chaque fois qu’il l’affirme, notre philosophe comprend la nécessité de nier la thèse contradictoire et d’en démontrer l’impossibilité. Cette thèse s’énonce ainsi : Le non-être n’est pas, ou, si l’on traduit mot à mot : Le non-étant (μή ὂν) n’est pas.
Pourquoi ? Aristote répondrait : En vertu du principe de contradiction. Cette réponse ne pouvait être donnée par Parménide. Selon toute vraisemblance, quand il combat la thèse de ceux qui affirment en même temps l’existence de l’être et du non-être (traduisez librement de l’un et du multiple), c’est à l’école d’Héraclite qu’il s’adresse. Si Héraclite a nié le principe d’identité, il ne l’a fait qu’implicitement, inconsciemment. De même Parménide : il réfute Héraclite au nom d’un axiome logique dont il ignore la formule, mais dont il subit l’autorité.
La lecture des fragments en est la preuve. Il répète, à en fatiguer le lecteur, que le non-être n’est pas, qu’il ne peut être pensé. Pour quoi ne peut-il être pensé ? La raison échappe à Parménide ; ou plutôt, la vraie raison, la raison immédiate ne lui apparaît pas clairement. Il invoque, à plusieurs reprises, l’identité de l’être et de la pensée. On ne peut penser ce qui n’est pas ; or le non-être n’est pas, donc