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Nous voudrions auparavant exposer les critiques qu’ont soulevées les rapports établis par Descartes entre l’évidence et la véracité divine et les réponses qui ont été faites à ces critiques soit par Descartes lui-même, soit par ses commentateurs.

II

Ici encore, c’est Gassendi qui signale le point faible avec le plus de vigueur et de netteté. « Vous admettez, dit-il dans les Instances, qu’une idée claire et distincte est vraie, parce que Dieu existe, qu’il est l’auteur de cette idée et qu’il n’est pas trompeur ; et d’autre part vous admettez que Dieu existe, qu’il est créateur et vérace, parce que vous en avez une idée claire et distincte. Le cercle est évident[1]. »

Les auteurs des Secondes objections recueillies par le P. Mersenne avaient déjà soulevé la même difficulté : « Puisque vous n’êtes pas encore assuré de l’existence de Dieu et que vous dites néanmoins que vous ne sauriez être assuré d’aucune chose, ou que vous ne pouvez rien connaître clairement et distinctement si premièrement vous ne connaissez certainement et clairement que Dieu existe, il s’ensuit que vous ne savez pas encore que vous êtes une chose qui pense, puisque, selon vous, cette connaissance dépend de la connaissance claire d’un Dieu existant, laquelle vous n’avez pas encore démontrée aux lieux où vous concluez que vous connaissez clairement ce que vous êtes[2]. »

Arnauld enfin se demande comment Descartes « se peut défendre de ne pas commettre un cercle, lorsqu’il dit que « nous ne sommes assurés que les choses que nous concevons clairement et distinctement sont vraies, qu’à cause que Dieu est ou existe. » Car nous ne pouvons être assurés que Dieu est, sinon parce que nous concevons cela très clairement et très distinctement ; donc, auparavant que d’être assurés de l’existence de Dieu, nous devons être assurés que toutes les choses que nous concevons clairement et distinctement sont toutes vraies[3]. »

Nous avons déjà cité[4] les Réponses de Descartes à Arnauld et aux auteurs des Secondes objections. C’est à ces réponses qu’il renvoie

  1. Dubitatio quarta. Instantia, no 2. Œuvres de Descartes, t.  Il, p. 523.
  2. IIe Object., no 4, t.  Il, p. 39.
  3. IVe Object., 2e part. , no 54, t.  Il, p. 132.
  4. Voy. plus haut, p. 513 et note.