LES PRÉTENDUES
CONTRADICTIONS DE DESCARTES
Quiconque a lu avec attention le Discours de la méthode a dû être frappé de rencontrer au moins l’apparence de deux grossières fautes logiques dans la suite de pensées par laquelle Descartes s’efforce de sortir dii doute provisoire. Le philosophe a tenté de « rejeter comme absolument faux tout ce en quoi il peut imaginer le moindre doute[1] ; » il fait la revue de ses pensées et n’en trouve qu’une dont il ne paisse douter, c’est qu’il pense. Mais il est, s’il pense, de sorte que « cette vérité : Je pense, donc je suis, est si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques ne sont pas capables de l’ébranler[2]. » Et Descartes donne partout le Je pense, donc je suis, comme le premier principe de sa philosophie.
Mais il est évident que Je pense, donc je suis, n’est pas une seule vérité, une seule proposition, c’est une synthèse de deux propositions, il semble donc que ce soit un enthymème, un syllogisme auquel manque la majeure. Et cette majeure. Descartes, à la page suivante, l’indique lui-même. « II n’y a rien du tout en ceci : Je pense, donc je suis, qui m’assure que je dis la vérité, sinon que je vois très clairement que pour penser il faut être[3]. » Voilà bien la majeure cherchée, et le syllogisme est aisé à mettre en forme.
Ce n’est donc qu’en apparence, semble-t-il, que Descartes fonde sa philosophie sur le fait de la pensée ; en réalité, il la fonde sur une de ces vérités abstraites qu’il aurait rejetées avec toutes les autres, si elles apprenaient quelque chose, mais qui, par elles-mêmes, n’apprennent rien[4]. C’est donc sur une vérité qui n a pas passé par l’épreuve du doute que Descartes fonde son système. Il est donc dès le début
- ↑ Discours de la méthode, 4e partie, No 1, édit. Garnier, t. I, p. 29. (C’est cette édition que nous citerons toujours). Voy. Ire Méditation.
- ↑ Disc. de la méth., 4e part. , No 1, t. I, p. 30.
- ↑ Loc. cit., No 3, t. I, p. 31.
- ↑ « Ce sont là des notions si simples que d’elles-mêmes elles ne nous font avoir la connaissance d’aucune chose qui existe. » (Principes, 1re part. , No 10, t. I, p. 123.)