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Après avoir énuméré tous les avantages de cet accord et de cette réunion, l’auteur termine par un tableau idéal où il montre ce que serait la vie humaine si l’art avait accompli sa tâche entière et civilisatrice. Cet idéal, selon lui, est le but vers lequel doit tendre et tend sans cesse l’humanité.

III

Sans entrer dans des détails que ne comporte pas cet article, il nous est aisé de porter un jugement d’ensemble sur ce livre, d’après les observations précédentes.

L’auteur a-t-il atteint le but qu’il s’est proposé, celui de fonder une esthétique nouvelle sur la base expérimentale de la vie esthétique ? Nous ne le pensons pas, et, pour le prouver, il n’y aurait qu’à répéter ce qui a été dit en y joignant quelques réflexions générales.

La vie esthétique, c’est la vie de l’imagination ; sa fin est le libre jeu des facultés humaines. L’homme entier, non partiel mais total, dans le développement harmonieux de ses forces, y prend conscience de sa pleine et entière liberté. C’est ce que Kant le premier avait dit, ce que Schiller avait après lui proclamé et développé, ce que tous les esthéticiens qui ont suivi la même voie, celle de l’idéalisme subjectif, ont admis et présenté sous des faces diverses. Sur cette base, anthropologique et psychologique, M. Köstlin prétend, à son tour, élever un édifice plus solide et plus complet. Cet édifice construit par la science prendra la place des constructions magnifiques et ambitieuses, mais ruineuses de la métaphysique idéaliste, dont toutefois l’auteur est loin de dédaigner et de rejeter les résultats. Soit ; mais cette base, il fallait de nouveau l’établir, l’élargir. Il fallait faire de l’imagination et des faits qui s’y rapportent une étude nouvelle, approfondie, refaire l’analyse, donner une nouvelle théorie, y joindre la critique, reprendre tout le travail que Kant avait entrepris au début. Il fallait remuer le sol au pied de l’arbre et jusque dans ses racines les plus profondes. M. Köstlin l’a-t-il fait ? Après avoir lu l’ouvrage entier, il serait difficile de le lui accorder. Ce qui est dit de l’imagination, soit intuitive, soit créatrice, n’offre rien de bien neuf ; la théorie est assez peu nette et peu précise. Ce qu’il y a de mieux, outre les détails sur la beauté de quantité et de qualité, comme il l’appelle, c’est, on l’a dit, son analyse du beau dans la nature ; mais ceci est tout à fait indépendant de la vie esthétique ; celle-ci a fourni le cadre et rien de plus.

La vie esthétique a pour but le libre jeu des facultés de l’esprit. Avoir établi cette proposition sans doute est un beau résultat de l’ana-