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bénard. — la vie esthétique

dans sa nature, ses principes, ses règles générales, etc. ; puis vient la théorie des arts particuliers, la série des arts, leur unité et leur action réciproque, leur rôle, leur étendue et leurs limites. Le livre se termine par un article très court, intitulé : La fin et le but de la vie esthétique. La théorie de l’art nous paraît peu originale ; mais nous devons donner une idée de la conclusion.

L’auteur sent le besoin, dit-il, après avoir considéré séparément les deux branches principales de la vie esthétique (le monde réel et le monde de l’art), de les réunir et de voir ce qui en résulte pour chacun d’eux et pour la vie humaine en général. Ces deux domaines semblent d’abord indépendants. À un examen plus attentif, on voit qu’ils se tiennent et se combinent. D’une part, le beau de la mature excite le désir de voir son image idéalisée. Le monde ne serait pas beau, tel qu’il est, si l’art ne l’embellissait. Maisons, châteaux, palais, jardins, décoration des places publiques et des édifices, disposition artistique des discours, des mœurs, des habillements de toute la vie privée et publique, tout cela, s’ajoutant au réel, contribue singulièrement à en rehausser l’éclat et en relever la beauté.

De son côté, que serait l’art isolé du beau naturel ? L’art serait-il aussi beau si la nature et la vie ne venaient à son aide, si les villes en amphithéâtre ne s’adossaient aux montagnes ou ne s’élevaient sur les hauteurs, si leurs édifices ne se miraient dans les eaux, si les collines, les arbres ne les encadraient, si la lumière et les couleurs ne prêtaient aux statues et aux tableaux leur clarté, le ton, l’éclat, si aux arts du du dessin manquaient les belles pierres, les couleurs, les métaux qui leur sont nécessaires, si le poète était privé du beau langage, le théâtre des belles figures qui s’y meuvent, si aux sculpteurs et aux peintres manquaient les beaux modèles, aux poètes les grandes, les nobles figures de l’histoire et de la vie réelle. Bref, plus le monde est beau, plus beau est l’art, et plus beau est l’art, plus le monde est beau.

D’où la nécessité d’une action réciproque et du concours mutuel de ces deux facteurs comme objet de la vie esthétique. L’art doit rattacher ses œuvres à ce qui est beau dans le monde réel afin de produire son action la plus efficace et la plus vraie. Il a le plus grand intérêt à ce que le monde partout soit beau et toujours plus plus beau. Aussi bien que le marchand, que l’homme d’État, que l’éducateur, le moraliste, l’ami de l’humanité doit demander que la terre soit cultivée, que le règne végétal soit soigné, que le règne animal soit embelli, que l’humanité au physique et au moral se perfectionne, se fortifie, s’ennoblisse, que ses mœurs soient plus pures, plus douces et plus délicates.