à la réalisation de l’idéal politique, religieux, etc. Quant à la vie esthétique, elle n’a même pas le droit de réclamer une place à part, distincte et indépendante ; surtout elle ne doit pas s’arroger des prérogatives, aspirer à un rang qui évidemment sont en disproportion avec la fin subalterne ou frivole qui lui est assignée et le rôle inférieur qu’elle doit remplir.
D’autre part, comme l’enseignent tous les grands moralistes, veut-on que la vie esthétique ait un caractère sérieux et moral, qu’elle ait pour fin principale le perfectionnement moral de l’homme, l’adoucissement et l’ennoblissement de ses mœurs, ou l’instruction cachée sous des formes attrayantes et dans des images sensibles ? Alors, sans doute, la vie esthétique prend une toute autre importance ; sa dignité est relevée et son utilité est manifeste ; mais on n’a rien gagné quant à son existence propre. Elle n’est toujours pas elle-même ; elle se confond avec la vie morale, intellectuelle, scientifique, politique ou religieuse. Prise en elle-même, qu’est-elle ? un moyen, un auxiliaire utile et subordonné. Voilà tout. La puissance souveraine qui la surveille et lui commande, lui impose ses règles de conduite, la soumet à ses préceptes et à ses maximes. Elle ne jouit d’aucune liberté. Pas le plus petit domaine ne lui est réservé où elle puisse se dire chez elle, libre et indépendante. Elle n’est que la servante (ancilla), estimée et honorée si elle est fidèle à tous ses devoirs, méprisée, renvoyée même si elle s’en écarte. On n’a qu’à consulter la République de Platon. Limitée dans ce cas comme dans l’autre, la vie esthétique proprement dite, réelle et distincte, n’existe pas. Il n’y a pas une sphère propre où elle puisse librement s’exercer et se développer.
Pour qu’elle existe réellement, que faut-il ? Qu’elle soit considérée comme un organe spécial dans l’organisme total de la vie humaine individuelle et générale. Selon la loi de tout organisme, il faut que, sans être isolé des autres organes, celui-ci ait son but déterminé et sa fonction propre, que lié, sans doute, aux autres organes, recevant d’eux et leur fournissant ce qui est nécessaire, il conserve, dans cette mutualité ou réciprocité, sa liberté entière et sa vitalité, dans l’accomplissement de la fonction particulière qu’il doit remplir dans la vie totale.
Tel est, disons-nous, le problème véritable de la vie esthétique. Le comprendre autrement, c’est s’écarter de son idée, ou, pour mieux dire, c’est le supprimer.
Or ce problème, tel qu’il vient d’être défini, les écoles diverses lui ont donné des solutions différentes, au moins implicitement contenues dans leurs doctrines. Finalement, il est apparu sous son vrai nom. Un livre important, très estimé en Allemagne et qui date de