Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/478

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
468
revue philosophique

subdolicocéphales. Les expériences démontrent que l’indice n’est qu’un indice, et pas une mesure, pour les races et les familles, et plus encore pour la totalité des races. Broca lui-même a dû modifier ses divisions et subdivisions. Il faut donc attendre de nouvelles recherches et de nouvelles découvertes pour que la crâniologie, qui n’est pas toute l’anthropologie, comme l’ont cru de trop zélés disciples de Broca, soit ce qu’elle doit être, l’une des parties les plus importantes de l’anthropologie, Mais il ne suffit pas d’étudier le crâne, qui est seulement l’enveloppe d’un organe précieux : plus nécessaire encore est l’étude du cerveau, étude si difficile et sur laquelle une grande partie de l’activité scientifique doit se tourner. Un autre champ très étendu s’offre aux adeptes de l’anthropologie : c’est l’étude des milieux, que Bertillon propose d’appeler mésologie. Jusqu’où va l’énergie transformatrice des influences extérieures ? Jusqu’où la plasticité de l’organisme humain en adaptation s’étend-elle ? Il semble que les études sur les races humaines soient parvenues à des résultats mûrs, que les classifications soient faites de façon à n’admettre des doutes d’aucune sorte, et que l’ethnologie est plus avancée que l’anthropologie générale et partielle. De fait, il existe de nombreux et estimables travaux, d’ensemble et partiels, sur les races humaines. Cependant on n’est pas encore fixé sur le fait caractéristique qui doit servir de base aux classifications. Est-ce la coloration de la peau, avec sa division encore populaire en cinq classes ? Est-ce la structure et la forme des cheveux (Huxley, Hæckel, F. Müller) ? Faut-il joindre (Müller) la classification linguistique à l’anthropologique ? Weisbach estime aussi que l’on peut fonder une classification des races sur un très grand nombre de mesures anthropométriques. Sa tentative ne paraît pas avoir abouti. La difficulté d’une classification est ici très grande. Il reste donc à l’anthropologiste une grande moisson à récolter, car le champ est immense. Que dire enfin de cette partie de la science qui veut traiter de l’origine de l’homme et des races humaines ? En général, le problème des origines est un problème très difficile, souvent insoluble ; et les deux problèmes qui regardent notre espèce sont de tous les plus graves et les plus ardus. Quoiqu’on ait beaucoup travaillé, et surtout depuis Darwin, sur ces questions, et principalement en ce qui regarde l’embryologie et l’anatomie comparée, tout est loin d’être fait.

Par ce bref résumé, on peut comprendre quel est l’avenir de l’anthropologie. Elle n’a pas épuisé tous ses moyens ni atteint tous ses buts. Elle revêtira plusieurs formes successives, selon la loi de sélection applicable aux sciences elles-mêmes. Elle est destinée, comme la plus apte de celles qui se rapportent à l’homme, comme individu et comme espèce, à absorber-beaucoup de parties d’autres sciences qui sont sur le déclin, pour leur donner une nouvelle vie et un nouveau développement.

Revue analytique. — Un article favorable et très substantiel d’E. Morselli sur le livre de Romanes, Animal Intelligence, dont M. A. Espinas a fait pour nos lecteurs une analyse si intéressante et si solide. — Du