Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/466

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
456
revue philosophique

l’unité chez eux n’est pas seulement matérielle, elle est absolument formelle. L’Univers d’Anaximandre a sa vie propre dans son mouvement incessant : la naissance et la mort périodiques du monde ne sont que des accidents qui n’en détruisent pas l’unité, aussi complète que les anciens pouvaient la concevoir alors. Le système d’Héraclite, au delà du devenir perpétuel des phénomènes, trouve aussi son unité profonde dans le concept du λόγος, de l’αἰών, que néglige entièrement M. Bréton dans la restitution brillante, mais passablement fantaisiste, qu’il fait de ce système.

Si l’on trouve dans le Sophiste de Platon une phrase qui semble faire remonter l’école d’Élée à des philosophes antérieurs à Xénophane (p. 39), pourquoi imaginer qu’il s’agit des pythagoriciens, et non pas par exemple d’Anaximandre, comme l’a fait remarquer Teichmüller ? La doctrine primitive de l’école pythagoricienne est de fait à peu près inconnue, et c’est une hypothèse toute gratuite que d’y supposer le principe de l’unité. M. Bréton est lui-même obligé d’y reconnaître un dualisme irréductible (p. 45). D’ailleurs les Nombres sont non pas l’Unité, mais les Unités ; l’école atomiste se rattache traditionnellement aux pythagoriciens ou aux Éléates eux-mêmes, nullement aux Ioniens, et ses doctrines furent adoptées en principe par une importante fraction des derniers représentants de l’Institut pythagorique. Quant à Empédocle, il y a évidemment contradiction à dire « qu’a l’Un-matière il substitue le principe, vraiment un dans sa multiplicité, de la Force » (p. 14), et à le déclarer « franchement manichéen » (p. 224). En fait, Empédocle est pluraliste au même degré qu’Anaxagore ; il rejette l’unité substantielle et cherche à conserver l’unité formelle, que les atomistes seront les premiers à nier résolument.

Il ne reste ainsi rien, à mes yeux du moins, de cette prétendue loi qui dominerait l’esprit des systèmes, réglerait leurs conflits et leurs conciliations. Formules séduisantes, qui avez fait les beaux jours de l’éclectisme ! généralisations prématurées, thèmes commodes de brillantes leçons ! êtes-vous cependant destinées parmi nous à de nouveaux triomphes ? ou serez-vous désormais impuissantes à soulever le lourd fardeau des dernières conquêtes de l’érudition ?

Paul Tannery.

Pietro Siciliani.Storia critica delle teorie pedagogiche in relazione con le scienze politiche e sociali. Bologne, Zanichelli, 1882, vii-481, p.  in-12.

Le présent ouvrage de P. Siciliani n’est jusqu’à un certain point qu’une reproduction élargie de la préface et de la partie historique du livre que l’auteur appela d’abord la Science de l’éducation, et qu’il appelle maintenant, avec une modestie peut-être inopportune, la Science dans l’éducation. Les quarante pages du préambule sont devenues un volume de 481 pages, en sorte que la troisième édition fera deux livres, dont voici le premier. Le second, qui comprendra la partie