pression présente restaure immédiatement l’impression passée qui lui ressemble ; il ne se produit ni incertitude ni efforts conscients ; l’opération est aussi instantanée que nécessaire. Ajoutons comme cause agissant dans le même sens le fait que la restauration a souvent eu lieu, et qu’un acte devient plus rapide à la suite de nombreuses répétitions. Ces conditions sont celles où se produisent le plus grand nombre de nos perceptions ; entre l’impression actuelle d’un objet et la trace qu’il a laissée dans le souvenir, la ressemblance touche à l’identité ; aussi les deux états de conscience se fusionnent-ils instantanément, et notre esprit passe sans intervalle appréciable de l’impression présente aux impressions des autres sens qui sont associées à l’état de conscience intermédiaire.
C’est ce qui a lieu certainement dans une inférence que nous apprenons à faire et que nous faisons de plus en plus facilement à mesure que notre éducation se perfectionne : je veux parler de la lecture. Cette opération mentale nous donne un exemple sans pareil de la force que peuvent acquérir des associations d’idées par de fréquentes répétitions, alors même qu’elles ne reposent sur aucun fait naturel. Par suite de l’association établie conventionnellement entre ces trois choses, la représentation écrite, le son et la signification d’un mot, nous ne pouvons pas jeter les yeux sur une page imprimée sans qu’aussitôt les sons et les idées qui sont associés aux caractères écrits arrivent à la pensée avec une force irrésistible. Qu’on le veuille ou non, l’association produit son effet, à moins qu’une maladie cérébrale n’ait détruit ce que l’éducation avait formé (cécité verbale des aphasiques). Mais nous n’avons pas seulement à considérer dans la lecture l’effet d’une association qui se répète et se fortifie par la répétition ; il y a dans cette opération quelque chose de plus, un raisonnement ; lire, c’est raisonner. En effet, lorsque nous faisons une lecture, les mots que nous avons sous les yeux ne sont pas absolument les mêmes, à rigoureusement parler, que ceux auxquels nous avons appris à associer différents sons articulés et différentes significations ; ce sont des mots nouveaux. Le mot « maison » contenu dans un livre n’est pas identique’au mot « maison » contenu dans un autre livre et écrit avec des caractères semblables ; il y a similitude, il n’y a pas identité. M. Stuart Mill a pris soin d’attirer l’attention sur ces ambiguïtés verbales contre lesquelles presque personne n’est suffisamment en garde. « La ressemblance, dit-il, portée au plus haut degré possible, jusqu’à l’indistinction, est souvent appelée identité, et les choses semblables sont dites les mêmes… comme lorsque je dis que la vue d’un certain objet me donne aujourd’hui la même sensation ou la même émotion qu’elle me donnait hier