intéresse la morale ; bien plus, on peut dire qu’elle est essentiellement morale ; car il s’agit d’apprécier la moralité de l’amour créateur, notre modèle et notre type de conduite, d’après l’œuvre qu’on lui attribue. »
M. Fouillée estime la conciliation impossible : « On fait, dit-il, dériver de la moralité suprême une loi de mal et de misère ; involontaire, cette loi la fait déchoir de sa prétendue toute-puissance, volontaire, de sa prétendue bonté : voilà le dilemme dont la théologie n’est jamais sortie[1]. »
« Pourquoi l’amour suprême n’a-t-il pas produit une infinité d’autres êtres heureux comme lui, aimants comme lui, tout au moins plus aimants et plus heureux que ceux qui s’agitent ici-bas et s’entre-dévorent[2]. »
Et plus loin : « La première des conséquences de la morale mystique, à laquelle les théologiens n’ont jamais pu échapper, alors même qu’ils la repoussent, est la prédestination[3]. »
Nous pouvons laisser ce qui ne nous concerne point, et sous-entendre par conséquent notre adhésion aux points importants sur lesquels nous tombons d’accord avec l’’éminent critique ; mais, puisque toute théologie sans exception est visée dans les textes péremptoires qu’on vient de citer, il nous sera permis de faire observer qu’aucun de ces reproches, absolument, ne porte sur une théologie dont M. Fouillée ne saurait ignorer l’existence et dont il a posé le principe lui-même dans le travail qui nous occupe, en désignant la perfection morale comme seule digne de ce nom[4]. C’est une théologie qui, sans déroger à la toute-puissance de Dieu, considère pourtant le mal comme un accident étranger à sa volonté. Puisque la perfection morale est la seule perfection vraie, l’amour, suivant elle, doit tendre à la multiplier ; mais la perfection morale repose sur la volonté du sujet qui la possède ; elle ne saurait résulter que des déterminations d’une volonté capable de se prononcer en sens contraire, car le déterminisme et l’ordre moral resteront à jamais des termes incompatibles. Pour donner lieu à la perfection morale, il fallait donc courir le risque du mal, ce qui exclut formellement toute espèce de prédestination, mais ce qui paraît impliquer au contraire que la toute science elle-même ne voit pas déterminé ce qui est effectivement indéterminé, ou en d’autres termes que l’infini véritable est celui qui peut se limiter lui-même. On comprend du reste que, suivant la conséquence de cette doctrine, Dieu connaissant la possibilité du mal, n’aurait pas couru le risque impliqué