l’abstraction, nous restons dès lors toujours exposés, si nous voulons mettre la formule en œuvre, aux illusions logiques et aux déductions arbitraires. Toutes ces notions équivalentes : la volonté, l’être, le bien, ne reçoivent une valeur positive que du sens moral, de l’impératif catégorique. Et la valeur positive dont nous parlons n’a d’existence que pour la foi. L’intuition du bien qu’il nous semble avoir acquise ne porte directement que sur nous. Elle ne nous sert pas à monter plus haut. Nous sommes donc autorisés à dire que le principe de l’être est une volonté parfaite, mais nous ne savons point, à proprement parler, en quoi consiste la volonté parfaite. Nous savons qu’elle veut notre être, notre volonté ; nous savons qu’elle veut que nous développions nous-mêmes cette volonté dans le sens marqué par la loi morale ; nous connaissons ainsi le bien pour nous, et nous connaissons aussi le principe du bien dans son rapport avec nous ; nous pouvons, suivant le cours naturel de notre pensée, identifier le principe de l’être et le bien en soi ; mais nous n’en comprenons guère mieux en quoi ce principe et ce bien consistent. Toutefois ces formules sonores : le bien est l’être, l’être est volonté, ne sont pas des formules vides. Lorsque l’esprit a pris l’habitude de chercher l’être non pas au dehors, mais en lui-même, d’aller du dedans au dehors, et non l’inverse, lorsqu’il conçoit réellement l’être comme force comme activité, comme liberté, l’identification de l’être et du bien que la logique ordonne, abstraction faite de toute intuition et par conséquent de tout sens quelconque, revêt une signification déterminée, sinon précise : le bien, c’est l’accroissement de l’être ; le bien, c’est le déploiement de la liberté. Qu’est-ce que la liberté dans l’absolu ? Nous ne la mesurons pas, et peut-être n’éviterions-nous pas la contradiction en voulant presser cette idée ; mais, pour rester vague, elle n’en a pas moins droit sur nous en raison de son origine, et détermine le cours de nos réflexions.
Il est naturel de penser que la conception dynamique de la matière sera d’un grand secours pour découvrir ; suivant les indications de l’expérience, les rapports réels entre l’ordre physique et l’ordre moral, qui semblent encore séparés par un abime ; toutefois, sil le problème est posé, nous sommes loin d’en tenir la solution. Il est encore besoin de recueillir des faits et de les examiner sans parti pris. Cette chose inconnue que nous tirons des aliments et qui s’accumule dans les centres nerveux accuse son abondance par le besoin d’agir, et se dégage par des explosions qui la dissipent. Mais nous ferions fausse route en spéculant d’après une analogie qui semble pourtant s’offrir d’elle-même. L’acte parfait de la volonté ne saurait être une explosion ; c’est du jeu libre de la liberté qu’il faudrait