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dentiæ oppositorum. » Sans s’égarer dans les régions de la métaphysique, Kant consacre à l’examen du principe de contradiction l’un des plus intéressants écrits de la période antécritique, l’Essai sur les grandeurs négatives, et la profonde critique de l’argument ontologique dans la dialectique de la raison pure. Hegel veut résumer toutes les recherches de ses devanciers et revient, en les perfectionnant, aux enseignements de l’antique Heraclite ; il fait de la contradiction la loi même du développement de l’absolu ou de l’idée, et par conséquent la loi même de la pensée humaine, qui aspire à saisir l’absolu. On trouve de profondes discussions de la doctrine hégélienne chez les logiciens contemporains, chez Lotze, chez Sigwart.

Lipps. Le problème de la théorie de la connaissance et la logique de Wundt (suite). — Les deux dernières parties du livre traitent des concepts fondamentaux et des lois de la connaissance. Il faut signaler tout particulièrement les chapitres consacrés aux formes de l’intuition sensible, au temps, à l’espace, au mouvement, au nombre. Wundt insiste sur la distinction de l’espace mathématique, qui n’est qu’un pur concept, une notion abstraite de l’entendement, d’avec l’espace saisi par une intuition de la sensibilité. Il soumet à une critique approfondie la doctrine kantienne de l’apriorité de l’espace, et les théories empiriques sur le même sujet ; et fait très bien ressortir le sens et la légitimité des spéculations mathématiques sur l’espace à . dimensions. Les considérations qu’il développe sur la probabilité, sur le hasard, sur le rôle scientifique des hypothèses ne sont pas moins dignes d’intérêt. Il résume avec une grande clarté et démontre avec une force irrésistible les idées de Kant sur la substance, sur la réalité des choses sensibles. « Dans le concept de chose, tel que l’expérience immédiate le saisit, nous ne trouvons rien qui nous oblige de rattacher les accidents et les propriétés mobiles à un sujet immuable. » — Les substances, les sujets inconnus auxquels nous rapportons les phénomènes ne sont que les produits longuement élaborés de la réflexion. « Les objets, les choses ne sont que des combinaisons de sensations indépendantes de notre volonté auxquelles nous attribuons une continuité indépendante dans l’espace et dans le temps… Mais comment arrivons-nous à prêter aux choses ces qualités ? Les choses ne pourraient jamais nous y forcer, si notre pensée n’était pas faite pour rassembler dans l’unité de l’aperception les données isolées de la perception. La pensée doit ce pouvoir à la conscience qu’a le moi de son unité. L’identité du moi et la liaison continue de nos pensées projettent leur reflet sur les choses qui sont en dehors de nous. »

Edmund Pfleiderer. Eudémonisme et égoïsme (Leipzig, 1880). — L’auteur proteste, dans tout ce livre, contre la confusion qu’on fait trop volontiers depuis Kant entre l’eudémonisme et l’égoïsme. La recherche du bonheur des autres est très différente de la poursuite du bonheur individuel : la première est désintéressée et bonne ; la seconde est égoïste et mauvaise. Il n’y a pas entre le bien moral et le bonheur