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IV

Nous sommes au terme, et nous pouvons embrasser dans son ensemble l’œuvre de M. Lachelier. Rendre tout intelligible, voilà le problème philosophique dans toute son étendue et dans toute sa simplicité. Il n’est résolu qu’au moment où, la raison se retrouvant partout elle-même, n’a plus rien à conquérir. Il faut démontrer les principes, disent les sceptiques ; ils ont raison. Mais ils ajoutent que le problème, étant contradictoire, est insoluble, et ils ont tort. La philosophie est la science des principes, elle n’a pas seulement à les proclamer, mais à les établir. Déterminer les lois des choses et les lois de la pensée ; en montrant leur identité, justifier la science, ses principes et ses méthodes ; par l’étude de l’esprit, de ses rapports avec le monde et avec Dieu, assurer la vie spéculative et la vie pratique, et dans cette œuvre multiple rester d’accord avec soi-même, concentrer toutes les vérités partielles dans une vérité lumineuse qui les résume et les comprenne : tel est le plan, telles sont les conditions de l’œuvre.

Reste de l’exécuter. S’il n’y a que des phénomènes, il n’y a que des accidents ; tout peut être et ne pas être ; ni science, ni monde, ni esprit ; rien à dire, rien à faire. Si derrière les phénomènes on place la substance, comme on n’atteint que les phénomènes, on ne peut rien dire de la substance, on n’échappe pas au nihilisme empirique La pensée ne pouvant sortir d’elle-même, la méthode philosophique est nécessairement subjective. Il n’y a qu’une méthode qui réponde au problème posé : c’est la méthode de réflexion. Si l’œuvre de la philosophie est de tout rendre intelligible, la philosophie, c’est la pensée se développant elle-même, tirant de soi les éléments et les lois du monde, toute la science, et ramenée ainsi de l’objet au sujet, des effets à la cause, en se reconnaissant comme le principe de toute réalité.

Avec l’espace et le temps, conditions de la diversité, la pensée trouve d’abord en elle les mathématiques et leur méthode. En ramenant cette diversité à l’unité de la conscience, elle pose la loi des causes efficientes, puis la loi des causes finales ; elle fait le monde intelligible et réel, elle donne aux sciences physiques une méthode et la certitude. Au terme de cette marche dialectique, ayant fait sortir d’elle-même par l’analyse le monde et ses lois, la réalité et la