riches en diversités significatives ; les études critiques seraient plus intelligibles, plus instructives, et l’on verrait avec clarté les analogies intimes des instruments avec les voix. Malheureusement, les compositeurs ne savent pas toujours pourquoi ils emploient tel ton plutôt que tel autre ; et leurs juges ne le savent pas mieux. La grammaire esthétique de l’art musical, en ce qui touche la modalité et la tonalité, sera écrite, j’en suis convaincu. Pour le moment, elle est encore à rédiger.
Celle de l’accentuation rythmique, métrique, pathétique, celle des nuances par le mouvement, par l’intensité, existe depuis huit années. Nous la devons au très habile auteur du Traité de l’expression musicale, M. Mathis Lussy. Cet ingénieux et sagace observateur des diversités expressives à étudié les maîtres ; il les à épiés, pris sur le fait, en flagrant délit ; il leur a dérobé bon nombre de leurs secrets ; il a mis ces secrets en vive lumière au moyen d’exemples sur les lesquels chacun peut opérer ses vérifications. J’ai analysé son ouvrage dans un autre travail ; j’y renvoie le lecteur[1]. Mais c’est ici l’occasion de rappeler deux traits de ce livre à la fois théorique et pratique : premièrement, il est fondé sur la relation directe de la musique avec la psychologie ; secondement, à part quelques différences de détail, M. Mathis Lussy reconnaît partout, tantôt implicitement, tantôt explicitement, que la voix et les instruments sont soumis aux mêmes lois et qu’ils arrivent à l’expression par les mêmes moyens. Il établit cette analogie essentielle non seulement entre le chant musical et la voix chantée, mais encore, ce qui est aussi juste que remarquable, entre le chant instrumental et le chant de la voix parlée. Ainsi, au chapitre où il traite des nuances et de l’intensité du son, il écrit la règle suivante :
« Lorsque, après une suite de notes aiguës, il se présente, par un grand intervalle, une petit groupe de notes graves, on fait subito pianissimo. » — Puis vient un exemple emprunté à Verdi, et un autre à Mozart, sonate en la, Minuetto, sans paroles, naturellement. Et, en note, M. Mathis Lussy ajoute : « Cet effet est des plus saisissants. Rachel et Ristori ne produisaient jamais autant d’impression que lorsque, après avoir employé toute la puissance de leur organe, elles contenaient, dans les murmures d’une voix éteinte, les véhémences d’une passion impuissante[2]. »
Mais, même en attendant une théorie psychologique de l’expression encore plus profonde, plus complète ; en attendant que les composi-