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PHILOSOPHES CONTEMPORAINS


M. JULES LACHELIER

(2e  et dernier article)[1].

Ce qu’on trouve d’abord dans l’analyse réfléchie de la pensée, c’est une philosophie de la nature. Cette philosophie de la nature, à vrai dire, est déjà une philosophie de l’esprit, puisque le réel se définit par l’intelligible et l’être par la connaissance. On ne sort pas de la pensée, voilà la conclusion de la dialectique négative. Dans la pensée, on trouve le monde, parce qu’il n’est rien qui ne se ramène à une détermination de la pensée, parce que la pensée est tout ce qui est : voilà la conclusion de la dialectique positive. De ce point de vue, tout s’éclaire ; nous sommes à la source de toute lumière, nous sommes la lumière même. Plus de matière, plus rien d’opaque, plus rien de lourd ; tout est léger, transparent, radieux. La pensée est seule. Le monde ne l’humilie plus, il la célèbre par son immensité. Les vertiges devant l’abîme de l’espace et du temps ne sont que les troubles de l’imagination sensible devant l’immensité de la pensée souveraine. La métaphysique, la science des causes, est possible. Le problème philosophique n’est plus insoluble : nous en trouvons en nous toutes les données. Il se ramène à ces termes : comprendre le monde, l’homme et Dieu ; les saisir dans leurs mutuels rapports, en se plaçant au cœur des choses, au centre d’où tout rayonne, en rattachant à la pensée toutes ses déterminations et en pénétrant de plus en plus par la réflexion la nature de ce principe suprême de toute existence.

I

Le monde ne s’oppose plus à nous comme une puissance étrangère irréductible. Le problème de son existence et de sa nature est résolu. S’il est réel, s’il peut devenir l’objet d’une science et d’une conscience, c’est qu’il est une manifestation de la pensée. Les sen-

  1. Voir le numéro de janvier 1883.