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pas de disposition à la goutte : vous pourrez presque impunément manger à l’excès ; au contraire, soyez dyspeptique, et vous serez condamné à souffrir sans cesse le supplice de l’inanition relative. Autre exemple : vous avez cédé à un accès d’intempérance ; vous attendez avec inquiétude la « sanction de la nature » : quelques gouttes d’une teinture médicinale la détournera en changeant les termes de l’équation qui se pose dans votre organisme. La justice des choses est donc à la fois absolument inflexible au point de vue : mathématique et absolument corruptible au point de vue moral. Pour mieux dire, les lois de la nature, comme telles, sont immorales ou, si l’on veut, a-morales, précisément parce qu’elles sont nécessaires ; elles sont d’autant moins saintes et sacrées, elles ont d’au tant moins de sanction véritable, qu’elles sent en fait plus inviolables. L’homme n’y voit qu’une entrave mobile qu’tâche de reculer. Toutes ses audaces contre la nature ne sont que des expériences heureuses ou malheureuses, et le résultat de ces expériences a une valeur scientifique, nullement morale[1].

  1. On a pourtant essayé de maintenir la sanction naturelle en établissant use sorte de secrète harmonie, rendue visible par l’esthétique, entre la marche de la nature et celle de la volonté morale. La moralité communiquerait nécessairement à ceux qui la possèdent une supériorité dans l’ordre même de la nature. « L’expérience, dit M. Reuouvier, constate une dépendance telle entre le bien moral et le bien physique, entre le beau ou le laid exprimés matériellement et le beau ou le laid de l’ordre des passions et des idées, et on voit si bien les organes se modifier, se modeler selon leurs fonctions habituelles, qu’il n’est pas douteux que la vie humaine prolongée, si elle pouvait l’être assez, et l’abandon de plus en plus instinctif de certains hommes à tous les vices, la domination acquise de certains autres, eu leurs facultés tournées au bien, ne nous montrassent à la longue des monstres d’un côté, des hommes véritables de l’autre. » (M. Reuouvier, Science de la morale, I, 289.) Remarquons-le d’abord, cette loi d’harmonie entre la nature et la moralité, que M. Reuouvier s’efforce d’établir, est valable bien plutôt pour l’espèce que pour la vie individuelle même prolongée : il faut une suite de générations et de modifications spécifiques pour qu’une qualité morale s’exprime par une qualité physique, et un défaut par une laideur. De plus, M. Reuouvier semble ce fondre entièrement l’immoralité avec ce qu’on peut appeler la bestialité, c’est-à-dire l’abandon absolu aux instincts grossiers, l’absence de toute idée élevée, de tout raisonnement subtil. L’immoralité n’est pas nécessairement telle ; elle peut coïncider avec le raffinement de l’esprit, elle peut ne pas abaisser l’intelligence ; or ce qui s’exprime dans les organes du corps, c’est plutôt l’abaissement de l’intelligence que la déviation de la volonté. On ne se représente pas une Cléopâtre et un don Juan comme devant cesser nécessairement d’offrir le type de la beauté physique, même si l’on prolonge leur existence. Les instincts de colère, de violence, de vengeance que nous rencontrons chez les Italiens du sud n’ont en rien altéré le rare beauté de leur race. D’ailleurs Bien des types de conduite qui nous paraissent des vices, dans l’état social avancé où nous nous trouvons, sont des vertus dans l’état de nature ; il n’en peut donc sortir aucune laideur vraiment choquante, aucune altération marquée du type humain. Au contraire, les qualités et parfois les vertus de la civilisation, si en les poussait à l’excès