figure humaine dont les forfaits viennent parfois terrifier l’imagination, s’ils ne sont pas des déments caractérisés, sont des gens qui sont nés et ont grandi dans un milieu détestable, dépourvus de toute éducation. L’instruction primaire rendue obligatoire n’est qu’un pas timide fait en avant, attendu qu’elle se met fort bien d’accord avec toutes les superstitions, et que l’influence qu’elle exerce ne dépasse pas l’épiderme de l’être moral. Ce qu’il faut instituer, c’est un système d’instruction poussée assez loin pour faire de celui qui la reçoit un homme nouveau. On ne doit pas oublier que la science, ainsi que l’ont dit excellemment les anciens, est une habitude, c’est-à-dire une mentalité lentement construite qui fait que tout ce qui tombe sous la perception est jugé à la clarté des principes. Elle exige un enseignement se prolongeant pendant de longues années ; mais le peuple qui est assez riche pour y pourvoir, se doit à lui-même d’en assurer le bienfait à tous ses enfants.
2o Un autre fait psychologique limitrophe de l’éducabilité, le déterminisme moral, réclame avec insistance l’action sociale. L’homme est libre, sans doute, mais non comme l’entendent communément les métaphysiciens. Il est évident que, si l’on compare ses actes aux mouvements de l’aiguille aimantée ou même à ceux d’un animal docile à l’instinct, il est libre ; son indépendance consiste non seulement à connaître ce qu’il fait et pourquoi il le fait, mais encore à n’agir que d’après des motifs, à prendre appui sur des idées. Il s’est affranchi du déterminisme physiologique, c’est vrai ; mais, qu’on y prenne garde, c’est pour retomber aussitôt sous l’empire d’un déterminisme logique ; il faut opter entre ce fatalisme des idées et l’irraisonnable ; si l’on ne range pas l’homme parmi les forces aveugles de la nature, les actes qu’il accomplit sont nécessités par ses idées, il n’y a pas de milieu. On flétrit les basses inclinations des classes inférieures ; il suffirait de s’en attrister. Il faut être aveugle, ce nous semble, pour ne pas voir que cette constance des mêmes mœurs chez les hommes de même condition accuse une irrésistible influence. Ces hommes n’expriment pas un type spécifique à part, mais il est fatal qu’ils se déforment. Leur intelligence inculte, leurs peines sans cesse renouvelées, les comparaisons auxquelles les invitent les spectacles qu’ils ont sous les yeux et le retour douloureux qu’ils font sur eux-mêmes, l’impossibilité où ils sont de se procurer d’autres joies que celles qui proviennent de l’assouvissement des instincts, tout cela n’est-il pas capable de faire dévier les meilleures natures ? Les classes supérieures ont leurs infirmités morales ; mais nous sommes d’autant moins disposés à les relever contre elles, que rien ne les empêcherait de se défendre par des raisons analogues. Il est donc