sonne ; mais, ne s’arrêtant pas là, elle assume la tâche de construire le droit signifiant ordre social. Comme on devait s’y attendre, elle échoue dans cette tentative irréalisable. Il n’y a pas en effet à chercher un passage de l’une à l’autre forme du droit, parce qu’un tel passage n’existe pas ; il y a nécessité d’aborder directement le problème de la construction rationnelle de l’État, mais muni de tous les renseignements convenables. La métaphysique ne veut voir l’homme que sous une face, et elle n’admet qu’une seule origine du droit, la personnalité ; nous pensons au contraire que, pour constituer le droit, il est indispensable de considérer tout l’homme et d’étudier la société dans ses plus secrets ressorts. De notre point de vue, toutes les sources ouvertes du droit sont : dans le sujet du droit, outre la dignité native et l’égalité, l’’éducabilité, le déterminisme psychologique, la sensibilité morale, la sympathie ; et, dans le champ où s’exerce le droit, la solidarité. C’est ce que nous allons essayer de démontrer.
1o À chacun des individus, dit-on, de s’édifier sa fortune, à ses risques et périls ; liberté pour tous, dans l’indifférence de l’État. Mais l’homme, tel qu’il sort des mains de la nature, n’est qu’une ébauche : L’animal n’a qu’à se laisser vivre pour acquérir, au point de maturité convenable, toutes les aptitudes spécifiques dont il porte le germe dès sa naissance. Il en est autrement de l’homme ; son intelligence n’est d’abord qu’une virtualité qui demande à s’actualiser par des exercices et des acquisitions scientifiques, et tout son être, sentiments et “actes, dépend de ce que se sera faite son intelligence. On nous dit que l’homme, en raison de sa dignité innée, possède des droits ; très bien, mais ces droits ne deviennent effectifs que si les facultés dont ils relèvent n’avortent pas, autrement il est frappé de déchéance.
S’il importe à l’individu que ses aptitudes et ses vertus originelles soient développées, les intérêts de la société le réclament plus impérieusement encore. Sans doute, l’homme naît sociable, mais le bison et l’oie sauvage forment aussi des bandes et se donnent des chefs ; ce n’est pas une société quelconque qui convient à l’homme ; ce que réclame sa nature privilégiée, c’est une société où règnent la décence, l’urbanité, la justice et les mutuels égards ; or, pour être l’élément apte à prendre place dans un ordre de choses de cette distinction, pour vibrer à l’unisson avec tous ceux qui se lient sympathiquement pour en constituer le tissu, il faut que l’individu ait été préparé par une élaboration appropriée ; quiconque a manqué de cet affinement reste un principe de discordance, quelque chose qui ne s’assimile pas. L’expérience quotidienne le prouve, ces fauves à