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tendances naturelles et le « je veux » vont dans le même sens ; en termes plus clairs, quand ce qui est immédiatement agréable à l’individu et ce qui est choisi par lui ne font qu’un. Il a toujours lieu quand deux groupes de tendances antagonistes luttent pour se supplanter réciproquement. En fait, tout le monde le sait, cette lutte a lieu entre les tendances inférieures, dont l’adaptation est bornée, et les tendances supérieures, dont l’adaptation est complexe. Les premières sont toujours les plus fortes par nature ; les secondes le sont quelquefois par artifice. Les unes représentent une puissance enregistrée dans l’organisme, les autres une acquisition de fraiche date.

Comment donc celle-ci peuvent-elles triompher parfois ? C’est que le « je veux » est un appoint en leur faveur. Non, bien entendu, à titre de simple état de conscience, mais parce que sous cette volition, qui est un effet, il y a des causes connues, demi connues et inconnues, que nous avons si souvent résumées d’un mot : le caractère individuel. Toutes ces petites causes agissantes, qui résument l’individu physique et psychique, ne sont pas des abstractions. Ce sont des processus physiologiques ou psychophysiologiques : ils supposent un travail dans les centres nerveux, quels qu’ils soient. Est-il donc téméraire de soutenir que le sentiment de l’effort volitionnel est, lui aussi, un effet de ces processus physiologiques ? On ne peut nous objecter que l’impuissance actuelle d’en déterminer le mécanisme. Ce point est d’autant plus obscur que le mécanisme doit différer suivant qu’il s’agit de produire une impulsion ou un arrêt : aussi le sentiment de l’effort volitionnel n’est pas identique dans les deux cas.

La lutte intérieure est accompagnée d’un sentiment de fatigue souvent intense. On n’en sait pas bien long sur la nature et les causes de cet état. Cependant on admet en général que, même dans l’effort musculaire, le siège de la fatigue est dans les centres nerveux qui ordonnent la contraction, non dans les muscles ; qu’il y a un épuisement nerveux, non un épuisement musculaire. Dans les contractions réflexes, il n’y a pas de fatigue perçue. Chez les hystériques, on voit des contractures persister presque indéfiniment, sans que le patient éprouve le moindre sentiment de lassitude ; c’est donc l’effort volontaire qui fatigue et non le raccourcissement du muscle[1].

Sauf notre ignorance, nous n’avons donc aucune raison d’attribuer à l’effort volitionnel un caractère à part. Dans tous les cas où cet effort se produit, les éléments nerveux sont-ils capables de fournir un sur-

  1. Richet, Physiologie des nerfs et des muscles, pp. 471-490. — Delbœuf, Étude psychophysique, p. 92 et suiv.