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RIBOT. — l’anéantissement de la volonté

c’est-à-dire qu’il a pour antécédent quelque état cérébral qui a lui-même pour antécédent quelque excitation particulière dans l’organisme. Souvent ici, l’automatisme est d’un ordre supérieur : la série des états suscités est longue, et chaque terme de la série est complexe. On peut en donner comme type le chanteur dont Mesnet a raconté l’histoire : si on lui présente une canne qu’il prend pour un fusil, ses souvenirs militaires ressuscitent ; il charge son arme, se couche à plat ventre, vise avec soin et tire. Si on lui présente un rouleau de papier, les souvenirs de son métier actuel ressuscitent ; il le déroule et chante à pleine voix[1]. Mais la répétition invariable des mêmes actes, dans le même ordre, dans chaque accès, donne à tous ces faits un caractère d’automatisme très net d’où toute volonté est exclue.

Il y a pourtant des cas équivoques. Burdach nous parle d’une « très belle ode » composée en état de somnambulisme. On a souvent cité l’histoire de cet abbé qui, composant un sermon, corrigeait et remaniait ses phrases, changeait la place des épithètes. Un autre essaye plusieurs fois de se suicider et, à chaque accès, emploie de nouveaux moyens. Les faits de ce genre sont si nombreux que, même en faisant la part de la crédulité et de l’exagération, une fin de non-recevoir est impossible.

On peut dire : de pareils actes supposent une comparaison, suivie d’un choix, d’une préférence ; et c’est ce qu’on appelle une volition. Il existerait donc un pouvoir volontaire, c’est-à-dire une réaction propre de l’individu, — sourd, obscur, limité, actif pourtant.

On peut soutenir aussi que l’automatisme à lui seul suffit. N’est-ce pas une vérité reconnue que, à l’état normal, le travail intellectuel est souvent automatique et qu’il n’en vaut que mieux ? Ce que les poètes appellent l’inspiration, n’est-ce pas un travail cérébral, involontaire, presque inconscient, ou qui, du moins, n’arrive à la conscience que sous la forme de résultats ? Nous nous relisons, et nos corrections sont souvent spontanées, c’est-à-dire que le mouvement de la pensée amène une association nouvelle de mots ou d’idées qui se substitue à l’autre immédiatement. Il se peut donc que individu, comme être qui choisit et préfère, n’y soit pour rien. En subtilisant davantage, on peut soutenir que tous ces cas ne sont pas rigoureusement comparables ; que si pour composer une ode automatisme suffit, pour la corriger il ne suffit pas ; que, dans ce dernier cas, il y a un choix, si rapide, si insignifiant qu’on le suppose. Au lieu d’un

  1. De l’automatisme de la mémoire et du souvenir dans le somnambulisme pathologique. Paris, 1874. Voir aussi P. Richer, ouv. cité, p. 301 es suiv.