Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
revue philosophique

Il serait inutile de décrire un état tant de fois décrit et qui a été étudié ici même avec tant de soin[1]. Remarquons seulement que les termes somnambulisme, hypnotisme et leurs analogues, ne désignent pas un état identique chez tous et partout. Cet état varie, chez le même individu, du simple assoupissement à la stupeur profonde ; et d’un individu à l’autre, suivant la constitution, l’habitude, les conditions pathologiques, etc. Aussi serait-il illégitime d’affirmer qu’il y a toujours anéantissement du pouvoir volontaire. Nous allons voir qu’il y a des cas au moins douteux.

Prenons d’abord l’hypnotisme sous la forme que plusieurs auteurs ont nommée léthargique. L’inertie mentale est absolue ; la conscience est abolie ; les réflexes sont exagérés, — exagération qui va toujours de pair avec l’affaiblissement de l’activité supérieure. À la voix de l’opérateur, l’hypnotisé se lève, marche, s’assied, voit des absents, voyage, décrit des paysages. Il n’a, comme on dit, d’autre volonté que celle de l’opérateur. Cela signifie en termes plus précis : Dans le champ vide de la conscience, un état est suscité ; et, comme tout état de conscience tend à passer à l’acte, — immédiatement ou après avoir éveillé des associations, — l’acte s’ensuit. Ce n’est qu’un cas d’une loi bien connue qui dans l’ordre psychologique est l’analogue du réflexe dans l’ordre physiologique : et le passage à l’acte est ici d’autant plus facile qu’il n’y a rien qui l’entrave, ni pouvoir d’arrêt, ni état antagoniste, l’idée suggérée régnant seule dans la conscience endormie. — Des faits, en apparence plus bizarres, s’expliquent de même. On sait qu’en donnant aux membres de l’hypnotisé certaines postures convenables, on éveille en lui le sentiment de l’orgueil, de la terreur, de l’humilité, de la piété ; que, si on les dispose pour grimper, il tente une escalade ; que, si on lui met en mains quelque instrument de travail habituel, il travaille. Il est clair que la position imposée aux membres éveille dans les centres cérébraux les états de conscience correspondants auxquels ils sont associées par de nombreuses répétitions. L’idée une fois éveillée est dans les mêmes conditions que celle née d’un ordre ou d’une suggestion directe de l’opérateur. Tous ces cas sont donc réductibles à la même formule : l’hypnotisé est un automate que l’on fait jouer, suivant la nature de son organisation. Il y a anéantissement absolu de la volonté, la personnalité consciente étant réduite à un seul et unique état, qui n’est ni choisi ni répudié, mais subi, imposé.

Dans le somnambulisme naturel, l’automatisme est spontané,

  1. Voir les articles de M. Ch. Richet dans la Revue d’octobre et de novembre 1880.