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L’ESTHÉTIQUE MUSICALE EN FRANCE

3e article[1]
PSYCHOLOGIE DE L’ORCHESTRE
ET DE LA SYMPHONIE

Au moyen de la méthode expérimentale appliquée aux faits psychologiques, physiologiques et physiques, il a été établi, dans un précédent travail, que tout instrument musical est une voix, et, d’une façon non moins précise, que plus un instrument est considéré comme musical, plus il est une voix analogue à la voix humaine, chantant sans paroles. Ainsi se trouve écartée la théorie d’après laquelle la musique instrumentale pourrait presque être conçue en dehors de l’homme. Il a paru important de constater que l’attribution d’une voix personnelle, individuelle, caractérisée, aux instruments les plus expressifs, se rencontre chez les meilleurs et les plus récents de nos esthéticiens français et, que leurs affirmations sur ce point, bien loin de n’être que des métaphores, sont confirmées par les expériences de l’acoustique physiologique, principalement par celles de M. Henri Helmholtz.

Toutefois la démonstration n’est pas encore complète. Il reste à chercher maintenant — je l’ai dit à la fin du dernier article — si la composition instrumentale, si l’œuvre écrite pour l’orchestre, pour les seuls instruments, est, elle aussi, vocale dans une mesure appréciable. Il faut voir si l’on a le droit de dire, avec M. L. Pillaut, que toute mélodie instrumentale suppose ou attend des paroles et que, par conséquent, la mélodie purement instrumentale n’existe pas.

À cet égard, pas plus qu’en ce qui touche le pouvoir expressif et vocal des instruments, les témoignages sérieux ne nous feront défaut. Une fois de plus, nous allons être en état de constituer une esthétique musicale française, méconnue jusqu’ici, tout au moins inaperçue, parce qu’elle n’a pas eu d’elle-même une conscience suffisante, parce que les fragments en sont disséminés et qu’elle n’avait

  1. Voir la Revue philosophique des 1er janvier et 1er mars 1882.