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ANALYSES. — WATSON. Kant and English critics.

cipes du jugement, avec l’interprétation qu’en a donnée le docteur Stirling, puis (ch.  VI) la démonstration de ces principes, enfin l’examen des objections de M. Balfour contre les théories kantiennes de la substance et de la cause. La chapitre VIII contient le résumé de la métaphysique de la nature de Kant, et le chapitre IX la comparaison de cette doctrine avec celle de M. H. Spencer. La distinction des phénomènes et des noumènes, suivant Kant et M. Spencer, fait l’objet du chapitre X ; dans les deux derniers, M. Watson signale les points où la théorie de Kant lui semble incomplète, et il critique la distinction trop profonde établie par ce philosophe entre les sens, l’imagination et l’entendement.

M. Watson interprète la pensée kantienne dans un sens purement déaliste et phénoméniste. Il n’y a pas de choses en soi et il est absurde de concevoir une distinction radicale entre la pensée et les choses, entre le monde et l’esprit, voilà le point sur lequel il revient dans cesse. Il faut indiquer par quel chemin il y arrive.

Si l’on veut bien définir le problème essentiel de la philosophie, il faut tracer une ligne de démarcation très nette entre les diverses sciences et la philosophie. Chaque science particulière, en toute liberté et en pleine indépendance, poursuit et atteint la vérité par les moyens qui lui sont propres : elle ne relève de personne et ne doit de compte à personne. C’est seulement quand la science est faite que commence la tâche de la philosophie. Elle ne donne pas, suivant une vieille et très ridicule formule, aux différentes sciences leurs principes et leurs méthodes ; mais une fois la science faite, elle cherche comment elle s’est faite. Elle ne se demande pas si la science est possible, mais comment elle l’est. Elle est la réflexion qui s’applique à la science ; elle est comme une science au second degré. Voilà pourquoi Kant répète si souvent cette question : Comment les mathématiques, comment la physique sont-elles possibles ?

Pour rendre compte de cette possibilité de la science, deux voies s’ouvrent devant l’esprit humain. Il est d’abord tenté d’analyser les notions qu’il croit trouver en lui toutes faites, les idées innées. Mais comment, par l’analyse de simples notions, trouver des lois applicables aux phénomènes ou aux choses ? La tentative est chimérique ; personne, mieux que Kant, n’en a fait justice, et il est difficile de se défendre de quelque impatience lorsque, de nos jours encore, on entend parler de lui comme d’un de ces philosophes qui veulent construire le monde à priori. « Il n’est plus possible, sinon pour un lecteur superficiel, de regarder Kant comme un partisan attardé du dogmatisme à priori, halluciné au point de croire que la partie la plus importante de nos connaissances consiste en idées innées, cachées dans les profondeurs de la conscience, et susceptibles d’être mises en pleine lumière par la simple introspection. »

L’autre moyen, plus simple en apparence, qui s’offre à l’esprit humain pour expliquer la possibilité de la science, c’est de supposer que les choses extérieures et indépendantes de lui viennent faire impres-