de la puberté, le choix du métier, le mariage. Il serait superflu d’insister ici sur l’importance des engagements que l’homme contracte vis-à-vis de lui-même et des autres. M. Marion l’a fort bien montrée. On regrette seulement qu’il prenne tant au sérieux les conclusions de la statistique touchant l’influence du mariage sur la criminalité et même sur la mortalité. A-t-il oublié la pénétrante critique à laquelle M. Herbert Spencer, dans l’Introduction à la science sociale, a soumis cette prétendue démonstration, et le vice de raisonnement qu’il y a relevé ? Il faut maintenant replacer l’individu dans l’état social, ce qui est sa vraie condition, et examiner les diverses influences dont il subit le contre-coup : tel est l’objet de la seconde partie.
Sympathie, imitation, contagion morale, opinion et coutume, voilà les phénomènes sociaux par excellence ; voilà aussi les liens secrets de la solidarité sociale. Il faut y ajouter les phénomènes de réaction qui en apparence viennent rompre la solidarité, mais au fond la complètent. Nous ne saurions suivre ici M. Marion dans l’étude qu’il fait de ces diverses influences ; il convient du moins de signaler, comme un des plus achevés du livre, le chapitre sur la sympathie et ses différentes formes, l’amitié, l’amour, l’admiration. On ne peut guère analyser, il faut citer : « Une transfiguration totale, bien souvent décrite, accompagne l’amour naissant. On se sent plus homme, et l’on veut devenir meilleur ; on se respecte ; on est généreux, vaillant, plein d’aspirations élevées, capable d’entreprendre ce qu’on n’eût point osé auparavant et de faire l’impossible. Que cet amour consacré porte ses fruits naturels et légitimes, il peut, en se modifiant, mais en ne perdant de sa première fougue que pour gagner en profondeur et en sérénité, non seulement enchanter la vie entière, mais l’ennoblir. C’est là une force morale inestimable, qui rend faciles presque toutes les vertus et préserve de presque toutes les chutes. Mais quel délabrement moral produit en revanche l’amour exaspéré, endolori, traversé, fait d’espérances et de plaisirs immodérés, avec des alternatives de désolation et de complète détresse ! Dans les phases heureuses d’une telle passion, c’est l’oubli de toute règle et de tout devoir, une exaltation sans laquelle on sera tour à tour, et presque indifféremment, sublime ou criminel : sublime sans mérite, criminel sans scrupules… » On trouve souvent chez M. Marion des vues délicates et ingénieuses d’une moralité toujours élevée, exprimées en un style net et brillant : « Ceux qui ont de nous une bonne opinion, que nous avons à cœur de ne pas démentir, exercent sur nous une sorte de tutelle morale. Rien n’étant plus doux que d’inspirer une estime chaleureuse, rien ne semble pis que de la perdre. Elle nous garde donc des chutes en nous rendant vigilants ; ceux qui nous l’accordent veillent sur nous sans y penser. Si même ils nous jugent d’abord trop bien, c’est souvent le meilleur moyen de nous élever au niveau où ils nous mettent par anticipation. Un homme d’un naturel un peu généreux, à qui l’on fait ainsi crédit, tient à être ce qu’on le croit : c’est comme un engagement pris auquel