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f. paulhan. — la personnalité.

fondée sur un trop grand nombre d’expériences pour qu’une expérience aussi insignifiante le dérange ; il arrivera donc ceci : un nouveau fait de conscience aura lieu dans lequel se manifesteront : 1o  l’idée vague du moi, et la représentation du jardin à peu près telle qu’elle existait d’abord ; 2o  les nouvelles perceptions qui s’ajoutent aux autres et remplacent une partie de l’ancien état de conscience. Mais nous ne connaîtrions pas l’identité du moi si un troisième état de conscience ne se produisait, état dans lequel les éléments semblables des deux autres sont rapprochés et comparés aux éléments changeants. Et nous voyons que ce qui se reproduit dans le plus grand nombre d’états de conscience, et qui ne change que trop lentement pour que nous puissions nous en apercevoir, c’est l’idée ou plus exactement la conscience vague du moi. Ainsi la succession de faits de conscience différents, ayant pour contenu d’abord l’idée du moi plus une chose, puis l’idée du moi plus quelque autre chose, puis les deux choses et l’idée du moi et la comparaison entre eux voilà tout ce qui se produit ici. Nous aboutissons donc à une série de faits de conscience, dans laquelle quelques-uns ont pour contenu certaines choses qui ont déjà apparu dans les autres phénomènes de conscience, ou plutôt certaines données semblables à certaines de ces données antérieures de faits de conscience précédents. Quant à décrire comment ces données sont localisées dans le passé, M. Taine l’a trop bien fait dans son livre sur l’Intelligence pour que j’essaye de reprendre cette démonstration.

Ainsi l’identité, la mémoire ne supposent pas une substance, un lien autre qu’un lien de succession entre les phénomènes et ce fait que le contenu ou une partie du contenu d’un état de conscience passé peut reparaître de nouveau ; or, ceci suppose des conditions physiques et psycho-physiologiques semblables, voilà tout. C’est ce que l’expérience nous montre. Elle ne nous montre jamais que l’apparition ou la disparition d’une substance fasse quelque chose aux phénomènes.

Peut-être oublie-ton trop, en s’occupant du moi, les conditions matérielles de son existence. M. Janet a cependant discuté une hypothèse fondée sur la physiologie, admise par les matérialistes, acceptée entre autres par M. Letourneau.

« On pourrait, dit M. Janet, se retourner vers l’hypothèse suivante : à mesure, dirait-on, que les molécules entrent dans le corps, par exemple dans le cerveau, elles viennent se placer là où étaient les molécules précédentes ; elles se trouvent donc dans un même rapport avec les molécules avoisinantes, elles sont entraînées dans le même tourbillon que celles qu’elles remplacent. Eh bien, si par