tres représentent des faits qui n’ont pas fait encore partie de la série. L’état de conscience dans lequel la donnée est un paysage nouveau, ne diffère de l’état de conscience dans lequel la donnée est le moi qu’en ce que le premier a pour contenu une impression nouvelle, qu’en ce que le second a pour contenu des événements passés. Il n’est donc pas juste de dire que la série se connaît en tant que série, et la véritable difficulté ne se trouve pas là. Elle se trouve dans la mémoire : comment un fait passé peut-il apparaître comme passé ?
Jusqu’ici, nous avons postulé la mémoire ; il faut donc en donner une explication, sous peine de voir crouler tout le reste de l’analyse.
Le problème de la mémoire peut se poser de deux manières : l’une positive, l’autre métaphysique. Au point de vue de la psychologie positive, je ne pense pas que le problème soit insoluble. En effet, un phénomène de conscience quelconque a une durée. Cette durée a pu être mesurée dans quelques cas ; si petite soit-elle, elle a un commencement, une fin, et des moments intermédiaires.
On dira peut-être que le fait de conscience, occupant plusieurs divisions de temps, suppose par cela même la mémoire et l’identité substantielle du moi ; mais, tout ce que j’y puis voir, c’est l’identité d’un phénomène. Je ressens par exemple un choc nerveux. Tant que ce choc nerveux dure, il persiste comme fait, comme phénomène ; je regarde un objet quelconque, j’éprouve une sensation. Tant que je le perçois, la sensation, le phénomène dure ; il n’y a pas de mémoire, puisque le passé ne se réveille pas, et que c’est seulement la continuation d’un phénomène que l’excitation détermine ; le phénomène existe tel quel, et qu’il y ait une substance spirituelle, une substance matérielle, qu’il y en ait deux, qu’il n’y en ait point, la question n’est pas changée. Ceux qui prétendent qu’une substance est nécessaire doivent nous montrer comment, la substance étant détruite, les phénomènes disparaissent. Quant à nous, nous pouvons citer des faits qui montrent que des conditions physiologiques sont nécessaires et suffisantes pour faire disparaître et reparaître l’identité du moi et la mémoire.
Une fois admis qu’un fait de conscience peut avoir une certaine durée sans que l’existence de la substance soit impliquée par là, le problème se simplifie. Supposons que dans un phénomène complexe, comme la vue d’un jardin, quelque changement se produise, que le vent agite les branches des arbres ou que quelqu’un entre et se promène. Qu’arrivera-t-il ? Le lait de conscience précédent s’anéantit en partie. Cette partie est remplacée par une partie nouvelle. Mais notre notion du moi n’est pas changée par là, car cette notion a été