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phénomène n’a pas lieu. Y a-t-il une autre condition, cette condition est-elle une substance ? Nous n’avons pas de raison de l’admettre. Cette substance, nous ne la constatons pas, et, comme nous le verrons tout à l’heure, l’hypothèse de la substance est inutile. Mais on me dit : Qu’est-ce qui relie ces différentes sensations ? comment sont-elles partie d’un fait de conscience ? comment sont-elles simultanées si une substance ne les unit pas ? Je réponds que la cause de ce lien paraît être dans les phénomènes psychologiques antérieurs et dans les phénomènes psychologiques et physiologiques présents, qu’on voit souvent des phénomènes composés, que ces phénomènes composés on ne les a jamais vus reliés par une substance quelconque, et que, jusqu’à ce que cela arrive, on peut se contenter de constater les phénomènes, les lois de leur complexité, de leur coïncidence, de leur succession, sans s’inquiéter d’une substance imaginaire. Comment peut-on savoir que la substance est nécessaire, et qui me prouve cette nécessité ? La conscience immédiate ? Nous avons vu déjà comment elle offrait une illusion, comment cette illusion s’expliquait et comment ses données pouvaient s’interpréter autrement qu’on ne le fait en général. L’induction ? mais l’induction ne peut s’appuyer que sur des expériences, et l’expérience fait ici défaut, comme nous venons de le voir. Par conséquent, ni l’expérience ni l’induction ne nous forcent à reconnaître le moi en tant que substance.

L’unité du moi et l’unité d’un fait de conscience en général n’impliquent donc pas l’existence d’une substance. L’identité du moi l’implique-t-elle davantage ? Je ne le crois pas ; mais ici le problème est plus difficile. Je prie qu’on veuille bien se souvenir de ce que j’ai dit à propos des termes que j’emploie. Ce sont des termes usités fréquemment et dont je suis forcé de me servir, sous peine d’avoir recours à des périphrases qui contribueraient à obscurcir une discussion assez abstraite, mais qui désignent des choses différentes de celles qu’on leur fait désigner généralement. Il ne faudrait donc pas arguer de ce que signifient ces termes en général pour attaquer mes arguments. Il suffit que je maintienne aux mots le sens que je leur ai donné et que la théorie phénoméniste puisse se soutenir sans emprunter rien de ce qui fait la caractéristique de la théorie substantialiste. J’ai indiqué plus haut comment il fallait entendre pour bien se mettre, ce qui est essentiel, dans l’esprit de la théorie phénoméniste. Je n’y reviens pas.

La théorie de l’identité se lie à celle de la mémoire. Cette théorie a fait l’achoppement de tous les systèmes phénoménistes, et je ne connais guère que Hume et M. Taine qui aient adopté sur ce point