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f. paulhan. — la personnalité.

de conscience. Mieux encore : le moi est le sujet de la connaissance ; cela indique autre chose que ce que nous venons de voir, cela indique un rapport plus intime entre la conscience et le moi. Or ce rapport, nous le trouvons dans le fait de conscience qui constitue la connaissance ; ce fait de conscience contient en général, en effet, l’idée de l’objet connu et en même temps l’idée du moi. Quand nous disons : je connais tel événement, le fait de conscience ainsi désigné comprend diverses parties : l’idée du moi, l’idée de l’événement et un rapport entre les deux.

Ainsi, il est important de distinguer le moi tel qu’il est en lui-même : une série de faits de conscience soumis à ces lois, et le moi un qui apparaît comme donnée d’un de ces faits de conscience et qui n’existe pas en dehors d’eux.

Si l’on demande qui perçoit la série des faits de conscience et leur rapport, je dirai qu’aucune substance ne la perçoit ; elle apparaît comme donnée d’un nouveau fait de conscience. « Au fond de toute connaissance, dit Léon Dumont, il y a comparaison, aperception de différences, distinction en un mot. Or deux sensations auront beau être juxtaposées ; aucune des deux ne peut se distinguer de l’autre, car pour cela il faudrait qu’elle eût connaissance de l’autre en même temps que d’elle-même. Il faut absolument pour qu’il y ait connaissance qu’elles soient deux phénomènes contigus d’un même sujet. »

Analysons l’idée et le fait exprimés, nous verrons la difficulté disparaître. J’ai deux sensations distinctes, celle d’un livre vert, celle d’un livre brun. Il faut, dit-on, que la comparaison soit faite par un même sujet, à moins que l’une des sensations n’ait conscience de l’autre. M. Dumont n’accepte pas cette hypothèse ; manifestement elle est incompréhensible. Qu’est-ce qu’une sensation qui a conscience ? Mais je constate que les deux sensations sont unies et comparées dans un ou plusieurs faits de conscience successifs. Je constate cela, et pas autre chose, si ce n’est certaines autres sensations plus ou moins vagues venant de l’intérieur du corps et de la périphérie, qui viennent se mêler et se confondre en un tout. Pourquoi ces sensations sont-elles reliées les unes aux autres ? Parce qu’elles arrivent ensemble. Pourquoi des sensations, des impressions qui se transmettent ensemble à un centre nerveux se rassemblent-elles pour former un état de conscience unique. Nous constatons le fait, et cela pourrait suffire. Pourquoi l’hydrogène et l’oxygène se combinent-ils pour former de l’eau ? Nous connaissons quelques-unes des conditions nécessaires pour former le phénomène de conscience simple ; ces conditions données, le phénomène a lieu ; ces conditions absentes, le