Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/648

Cette page n’a pas encore été corrigée
638
revue philosophique

tendant à défixer, jusqu’à ce que l’organisme social complètement organisé, de même que l’individu complètement organisé, ne soit plus susceptible d’adaptation.

Dans un animal vivant, formé qu’il est d’unités agrégées originellement du même genre, le progrès de l’organisation implique non seulement que les unités composant chacune des parties différenciées conservent chacune sa position, mais aussi que leur descendance leur succède dans ces positions. Les cellules hépatiques qui, tout en remplissant leur fonction, grandissent et donnent naissance à de nouvelles cellules hépatiques, font place à celles-ci, quand elles se dissolvent et disparaissent ; les cellules qui en descendent ne se rendent pas aux reins, aux muscles, aux centres nerveux pour s’unir dans l’accomplissement de leur fonction. Enfin, il est évident qu’à moins que les unités spécialisées dont chaque organe est composé, n’aient donné naissance à des unités spécialisées d’une manière semblable, qui restent à la même place, il ne saurait exister entre les parties aucune de ces relations constituées qui sont le caractère de l’organisme, et qui le rendent propre à son mode particulier de vie.

Dans une société aussi, la fixité de structure se trouve favorisée par la transmission de positions et de fonctions à travers les générations successives. La conservation de divisions de classes qui se produisent à mesure que l’organisation progresse suppose l’hérédité du rang et de la place dans chaque classe. Évidemment plus grande est la difficulté de s’élever d’un grade à un autre, plus les rapports des grades sociaux se trouvent fixés. Il en est de même des subdivisions de classe qui dans certaines sociétés constituent des castes, et dans d’autres se révèlent partiellement dans les corporations. Lorsque la coutume ou la loi obligent le fils d’un artisan à suivre la profession de son père, elles opposent dans les organes chargés de la production et de la distribution, des obstacles au changement analogues à ceux qui, dans les organes régulatifs, résultent de l’impossibilité de franchir les barrières des rangs. On voit cette difficulté portée à l’extrême dans l’Inde ; on la voyait moins prononcée sans doute en Angleterre autrefois dans les corporations d’artisans, qui facilitaient l’accès d’un métier aux enfants des hommes qui en faisaient profession, et l’interdisaient aux autres. Nous pouvons donc dire que l’hérédité de position et de fonction est le principe de fixité de l’organisation sociale.

L’hérédité du rang ou de la profession produit la stabilité d’une autre manière encore : elle assure la suprématie à l’aîné, et la suprématie de l’aîné assure la conservation de l’ordre établi. Un