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f. paulhan. — la personnalité.

l’unité de la maison s’ensuit, ainsi, la série des phénomènes de conscience étant donnée, l’idée de l’unité arrive forcément. Il ne faut pas confondre l’idée de l’unité de la maison avec la vision des matériaux qui composent la maison ; de même, il ne faut pas confondre avec l’idée de l’unité du moi la chaîne de faits de conscience qui nous donne cette idée. Le moi est une chose, l’idée du moi en est une autre, l’unité telle que nous la connaissons, ou plutôt telle qu’on se la représente habituellement n’existe pas dans le moi formé d’une collection de phénomènes, mais n’existe que dans l’idée que j’ai du moi, et cette idée n’est plus une collection de phénomènes : c’est un phénomène. Ce qui dans le moi, dans la chaîne des états de conscience est un rapport de durée et de simultanéité, donne lieu dans la représentation du moi à l’idée d’unité.

On me reprochera peut-être de faire ici une pétition de principes en considérant le moi en lui-même comme une série de faits de conscience, tandis que c’est ce qu’il faut prouver. Mais ce reproche serait mal fondé, il s’agit simplement de savoir si l’on peut supposer sans contradiction, sans choquer la logique et l’expérience, que le moi est une collection de phénomènes. Par conséquent, rien ne nous empêche de supposer d’abord que le moi est une collection de phénomènes, pourvu que nous montrions que cette supposition s’accorde avec les faits et la logique, pourvu que nous ne soyons jamais obligés de postuler la substance.

On me reprochera encore d’avoir jusqu’ici postulé le moi, d’avoir dit constamment, je suis, je perçois, etc., et par conséquent de postuler la substance en la niant. Ceci serait plus grave, mais je ne crois pas ce reproche plus sérieux que le précédent. C’est, en effet, une expression commode dont je me suis servi, mais qui pourrait être remplacée par une autre. De même nous disons : le soleil se lève, le soleil se couche, sans que cela implique notre croyance à la rotation du soleil autour de la terre. Il n’y a qu’à remplacer l’expression je vois, par exemple, par celle-ci : Un fait de conscience a lieu dans lequel est représenté, etc., etc. ; ce fait se rattache aux faits précédents, etc. Si l’on demande comment je connais ces faits de conscience et si cette conscience n’implique pas l’unité du moi, la réponse est qu’un fait de conscience représente des faits de conscience qui ont eu lieu avant lui et sont avec lui dans un certain rapport. Ici se présente une autre question, relative à la mémoire : nous l’examinerons tout à l’heure.

Si l’on me demande à quoi se rattachent ces faits de conscience, quel est leur support, je dirai qu’ils me paraissent pouvoir s’en passer, et je citerai à ce sujet un passage de Stuart Mill : « Presque