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et cette représentation mentale m’apparaitra comme interne, comme celle que j’attribue au moi. Je me représente l’unité du tas de cailloux réel, comme je me représente l’unité du tas de cailloux imaginaire, et je me représente l’unité du tas de cailloux imaginaire, comme je me représente l’unité du moi. Par conséquent, l’unité du moi apparaît à ma conscience, comme lui apparaît l’unité d’un tas de cailloux, et nous rentrons dans le cas où l’on reconnaît comme possible la nature complexe de l’unité.

Mais nous ne sommes pas au bout, et il faut que cette théorie soit appuyée par de nouvelles considérations. On m’objectera que ce qui fait l’unité du tas de cailloux, c’est précisément d’être perçu. J’accepte cette remarque, et de même je dis : Ce qui fait l’unité du moi, c’est d’être perçu. Si le moi n’était pas perçu, il ne serait qu’une série de sensations. Mais, le moi étant perçu, cette série de sensations, d’idées, de volitions perçues, nous donne l’idée de l’unité du moi, comme la perception de certaines choses arrangées de certaines manières nous donne l’idée de l’unité de cette chose.

Au point de vue de la psychologie positive, pour que les faits puissent donner l’idée d’une unité, il faut qu’ils soient perçus. L’ordre aurait beau éclater de toutes parts dans la nature, il faut que nous percevions les éléments ordonnés pour que nous ayons l’idée d’unité. Si une maison nous paraît une, c’est parce que nous percevons les rapports qui existent entre ses parties, ce n’est pas qu’il y ait une substance qui fasse l’unité de la maison. L’arrangement des phénomènes donne lieu à l’idée d’unité. Il en est de même pour les faits de conscience. Nous avons connaissance par la conscience et la mémoire des phénomènes internes, des idées, des sentiments, des volitions, des images, etc., et la façon dont ces phénomènes sont disposés font naître en nous l’idée de l’unité du moi. Par conséquent, l’idée que nous avons de l’unité du moi est une résultante des expériences internes que nous avons faites, des sensations, des sentiments que nous avons éprouvés, comme l’idée que nous avons de l’unité d’une statue, par exemple, est la résultante des diverses sensations que nous éprouvons. Je veux dire que ce phénomène de conscience, l’idée d’unité, suit forcément les faits de conscience de l’expérience interne (émotions, idées, etc.) ou de l’expérience externe (sensations).

De même que l’idée d’unité d’une maison est autre chose que la vision ou la représentation des matériaux qui la composent, de même L’idée de l’unité du moi est autre chose que la chaîne des phénomènes de conscience. Mais, de même que la perception des matériaux de la maison rangés dans un certain ordre étant donnée,