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h. lachelier. — théorie de la connaissance.

rience à un continu parfaitement intelligible, c’est-à-dire logique. L’élément à posteriori, ce sont les séries de nos représentations et des phénomènes qui leur correspondent. Il faut prendre l’ordre des phénomènes comme une donnée dont nous n’avons pas à rendre compte. Nous ne possédons aucun moyen d’expliquer pourquoi l’ordre des phénomènes est tel et non pas autre. Toute tentative pour résoudre un pareil problème porte fatalement avec elle un caractère arbitraire qui lui enlève toute valeur scientifique. L’expérience sensible donne lieu à un double travail de la Pensée. Le premier consiste à rendre compte de la liaison objective des phénomènes. La Pensée s’en acquitte en créant le concept hypothétique de Substance, dont elle aspire à rendre tous les éléments évidents et nécessaires, d’une évidence et d’une nécessité d’intuition. Le second travail et le plus important de la Pensée est la réduction de toutes les séries de phénomènes à une coordination et à une subordination logique. La Pensée accomplit ce travail en appliquant aux données expérimentales les principes auxquels donnent lieu ses fonctions logiques et tout particulièrement celui que M. Wundt a appelé le Principe de Raison, Le but qu’elle se propose est de rattacher ainsi toutes les lois de la nature à des axiomes physiques, axiomes résultant du concept même de Substance dont tous les éléments seraient devenus évidents et nécessaires. Quant à la source de cette évidence et de cette nécessité qui, du concept des Substances et des axiomes physiques, doit s’étendre à tout le champ de la connaissance humaine, elle se trouve dans les concepts de Temps et d’Espace. Nous avons vu que ces concepts dont l’origine est expérimentale, possèdent néanmoins, dans toutes leurs propriétés, une évidence et une nécessité intuitives. Relié à ces prémisses, l’ensemble des lois de la nature, sous l’empire du principe de raison, prend un caractère de nécessité dont la nécessité causale n’est pas différente. La causalité n’est autre chose en effet que le Principe même de Raison en tant qu’il s’applique au contenu de l’expérience.

Telle est, dans les traits principaux, la Théorie de la Connaissance de M. Wundt. Elle ne mérité pas, comme on le voit, le nom de système empirique. Il n’y a guère en Allemagne d’ailleurs de vrais empiristes comparables aux philosophes anglais contemporains. Le pur empirisme est le produit naturel de l’esprit anglais, comme le spiritualisme de Maine de Biran le produit naturel de l’esprit français. L’esprit allemand semble répugner aussi bien à l’une qu’à l’autre de ces deux tendances. L’esprit allemand incline plutôt vers l’idéalisme et en même temps vers le criticisme. Kant en ce sens en est le plus fidèle représentant. Le matérialisme absolu n’a eu en