Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/53

Cette page n’a pas encore été corrigée
43
h. lachelier. — théorie de la connaissance.

de la science, toutes les subordinations logiques ont pour ternie premier, ou bien une loi empirique, qui, comme la loi de la chute des corps, n’a pu être rattachée jusqu’ici à aucun fait plus général de l’expérience, ou une hypothèse, qui, bien que conforme aux principes logiques et aux formes de l’intuition, n’a pu être reliée à aucun fait axiomatique, évident par lui-même. L’enchaînement logique n’est donc réalisé, dans toutes les sciences, que par fragments, pour ainsi dire ; dans aucune, par conséquent, la nécessité ne possède un caractère parfaitement absolu. Cette imperfection des sciences les plus avancées ne diminue du reste en aucune façon l’avantage qui résulte pour les lois particulières de leur subordination logique et nécessaire à des lois ou à des hypothèses plus générales, celles-ci eussent-elles une origine purement empirique. Certaines lois empiriques, en effet, vérifiées dans un nombre de cas infinis, sans qu’aucune exception soit jamais venue en ébranler la certitude, possèdent un degré de nécessité infiniment plus grand que des lois particulières souvent mal observées. On peut en dire à peu près autant de la plupart des hypothèses, surtout de celles qui s’appuient sur le concept de substance, comme celle du fluide électrique. On conçoit facilement que lé caractère des lois particulières soit radicalement modifié par le seul fait de leur enchaînement logique et nécessaire à ces lois générales et à ces hypothèses. Il n’en est pas moins vrai, croyons-nous pouvoir dire sans nous écarter de la pensée de M. Wundt, que, s’il était impossible de dépasser ce degré de certitude, le vrai but de la science serait manqué.

Mais nous savons que l’œuvre de la science est encore fort imparfaite. La science subit une longue évolution. Elle est dans un progrès constant dont le terme recule à mesure qu’elle croit s’en rapprocher. Or ce progrès consiste non seulement à réduire logiquement toutes les lois physiques à des lois de plus en plus générales, mais encore et surtout à remonter ainsi, s’il est possible, jusqu’à des faits axiomatiques de l’expérience[1], possédant un caractère de nécessité et d’évidence semblable à celui qui appartient à la Pensée logique. Ces axiomes de l’expérience peuvent être de deux sortes. Les uns se forment par l’application des principes logiques aux concepts du Temps et de l’Espace. Ce sont les axiomes mathématiques, arithmétiques et géométriques, dont nous n’avons pas à parler ici. Les autres résultent de l’application des principes logiques et des formes intuitives au concept de Substance. Ce sont les axiomes de la Sub-

  1. Das Causalgesetz fordert dass alle Erscheinungen, aus einer Anzahl urspiünglicher Erfahrungsaxiome abgeleitet werden.