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de raison par lequel nous passons d’une identité à une autre identité. Le Principe de raison unit des actes de pensée, comme la loi de causalité unit des phénomènes. Le principe logique permet de former un jugement nouveau au moyen d’autres jugements donnés. La loi empirique permet, avec l’aide des phénomènes présents, de passer aux phénomènes à venir. L’analogie pourrait être poussée plus loin. Mais M. Wundt s’arrête et signale tout de suite le côté artificiel qui la rend insuffisante pour justifier à elle seule une subordination immédiate de la loi causale au Principe de raison. Si nous parvenons à prévoir, d’une manière à peu près certaine, un phénomène à venir comme conséquence d’un phénomène présent, c’est que les deux phénomènes nous ont déjà été donnés par l’expérience comme liés l’un à l’autre. Entre ce cas d’association par habitude et l’acte logique par lequel la Pensée déduit, spontanément, immédiatement, des égalités : A = B, B = C, l’égalité A = C, il n’y a qu’une ressemblance fortuite. Entre un rapport isolé de cause à effet et un rapport de prémisses à conclusion, l’identification n’est donc jamais possible ; il n’y a qu’une analogie sans véritable intérêt scientifique.

Le Principe de raison n’est donc jamais applicable à une liaison causale isolée. Si la nécessité n’a d’autre source possible que la Pensée logique, il faudra en conclure qu’une série de phénomènes, isolée de toute autre, considérée en elle-même, si régulièrement qu’elle se reproduise, n’aura jamais le caractère de nécessité absolue que la science exige. M. Wundt remarque avec raison qu’il en est réellement ainsi. Par exemple entre les variations de la longueur du fil d’un pendule et la durée de l’oscillation, il n’est pas possible de trouver une liaison absolue, tant que l’on fait abstraction des autres lois physiques auxquelles cette loi pourrait être rattachée. Les deux phénomènes s’accompagnent toujours. Aux modifications du premier correspondent toujours des modifications du second ; aucune expérience n’a jamais démenti la régularité de cette correspondance. Nous avons donc une loi, nous avons même une loi nécessaire, mais nécessaire au sens empirique du mot. Nous obtenons une nécessité qui suffit parfaitement à l’expérience vulgaire, qui peut même suffire à la science (la science est ordinairement forcée de s’en contenter). Mais nous sommes encore très éloignés de la vraie nécessité causale, de celle dont nous trouvons le type dans les lois de la Pensée logique.

Tout autre sera le caractère de la loi dont nous parlons, si nous réussissons à la rattacher logiquement à d’autres lois plus générales et plus certaines, dont elle deviendrait un cas particulier. Or c’est le travail que la Physique accomplit, lorsqu’elle déduit les lois du