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h. lachelier. — théorie de la connaissance.

pour mettre l’expérience d’accord avec les exigences de la Pensée. Ainsi, dans le cas de l’attraction réciproque de la terre et de la lune, l’action des deux astres l’un sur l’autre, à un moment donné, est produite en réalité par les mouvements qui ont précédé immédiatements et qui ont mis ces astres dans la position où ils se trouvent à ce moment précis. Nous avons vu que la force attractive, qui réside dans les deux astres, n’est qu’une condition permanente de l’action qu’ils exercent l’un sur l’autre, mais ne peut en être considérée comme la cause. Dans d’autres cas, la simultanéité de la cause et de l’effet n’est qu’apparente et due à l’imperfection de notre connaissance. Dans ces cas, c’est une observation plus exacte, ou bien le raisonnement fondé sur d’autres observations, qui nous aide à résoudre cette simultanéité. Par exemple, malgré l’apparente simultanéité, dans certaines circonstances, de l’aperception et du mouvement volontaire, nous sommes amenés, par la physiologie, à considérer l’aperception comme ayant réellement précédé l’acte, puisque l’excitation sensible a dû être d’abord transmise au cerveau et de là réagir par l’intermédiaire des nerfs moteurs sur les muscles. Nous arrivons donc à cette conclusion qu’en réalité la cause et l’effet sont toujours successifs, et que leur simultanéité n’est jamais qu’une apparence due soit à une fausse acception des termes mêmes de cause et d’effet, soit à une observation imparfaite de nos sens. La succession dans le temps n’est donc pas seulement un postulat de notre pensée intuitive. C’est en même temps une loi objective que toute expérience vient confirmer.

L’expérience nous offre donc des séries de phénomènes qui se succèdent dans le temps, et c’est à ces successions de phénomènes que nous appliquons le concept de causalité. Une double question reste maintenant à examiner : À quelles conditions une succession est-elle réputée causale ? et d’où vient le caractère de nécessité que nous attribuons à toute succession de ce genre ? C’est dans l’application de la Pensée Logique aux séries régulières de phénomènes, aux lois données par l’expérience, que M. Wundt va chercher la solution de ce double problème. Cette partie de la théorie de la connaissance est peut-être la plus originale. M. Wundt s’y sépare aussi bien des empiristes anglais que des aprioristes Kantiens.

L’origine du caractère de nécessité que les deux grands systèmes, empiriste et aprioriste, reconnaissent dans toute liaison causale, a surtout préoccupé leurs représentants. Hume et Stuart Mill l’expliquent pas l’association et l’habitude, Kant par l’apriorité du concept de causalité. Mais, une fois la nécessité expliquée, d’une manière plus ou moins satisfaisante, il reste une seconde question, dont l’im-