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h. lachelier. — théorie de la connaissance.

appliquer ses lois les plus importantes, la loi du troisième exclu et surtout le Principe de Raison.— Jusqu’ici, nous n’avons étudié que le travail préliminaire de l’esprit, cette première élaboration de l’expérience, qui la rend maniable, pour ainsi dire, à la Pensée Logique. Nous allons voir maintenant la Pensée s’appliquer directement aux données expérimentales, les coordonner et les subordonner logiquement et donner ainsi naissance à la causalité nécessaire. Auparavant, nous examinerons brièvement une question préliminaire : Quelles conditions doivent présenter les phénomènes pour permettre l’application du concept de Causalité ? Nous chercherons ensuite l’origine du caractère de nécessité qui est l’essence même de la causalité.

Nous n’avons jamais occasion d’appliquer le concept de Causalité aux objets de l’expérience externe, tant que ceux-ci restent immuables, soit dans l’Espace, soit dans le Temps. Nous n’établissons, de même, un rapport causal entre les états subjectifs, qui nous sont donnés dans l’expérience interne, qu’à la condition qu’ils se succèdent dans le Temps. Le changement est donc la première condition de la causalité. La causalité se rapporte non à des choses immobiles et immuables, mais aux états variables de ces choses. Aussi bien le mot de cause que celui d’effet ne peuvent s’appliquer qu’à des « événements[1] ».

Il est indispensable de bien s’entendre sur le sens à donner au mot de cause. La langue courante lui attribue mille acceptions diverses, et la philosophie ne doit accepter que la seule qui soit vraiment scientifique ; car la plupart des difficultés qu’a soulevées le concept de Causalité sont venues d’une acception antiscientifique du terme de cause. La première faute que la langue courante commet dans l’emploi de ce terme, et que le langage scientifique n’évite pas toujours, consiste à transformer la cause en une chose. On dit, par exemple, que la terre est la cause de la chute des corps. Cette manière de parler n’est pas, suivant M. Wundt, rigoureusement exacte. La terre est un objet, qui subsiste, même quand aucun corps ne tombe à sa surface. On pourra donc dire que la terre est une condition permanente de la chute des corps, mais non qu’elle en est la cause. La vraie cause de la chute d’un corps est son élévation à une certaine hauteur. Toutes les autres circonstances, si indispensables qu’elles soient pour la production du phénomène, n’en sont pas moins de simples conditions qui peuvent varier sans que l’effet varie. Quant à la seule vraie cause, c’est la condition qui rend pleinement compte et de la nature et de l’intensité de l’effet. Pour faire tomber une

  1. Ereignisse.