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Bain, sur Spencer ; mais nous devons donner un aperçu de ses principales critiques et de sa doctrine.

La première question qu’il rencontre est celle de l’existence des idées générales. John Stuart Mill est nominaliste, à la façon de Hume ; il pense que l’idée générale n’est pas autre chose que l’association d’une série d’images particulières semblables avec un nom qui les rappelle et qui n’est lui-même qu’une autre image. C’est bien là une application de la doctrine de l’association. M. Ferri pense que Stuart Mill réduit trop ici le rôle de l’activité intellectuelle ; pour lui, l’idée générale est un acte dans l’esprit avant d’être un signe dans le langage.

La discussion de Mill avec Hamilton au sujet du concept de connexion nécessaire et avec Whewell au sujet des axiomes est ensuite rappelée avec quelque détail. Hamilton soutient que le concept de nécessité causale ne peut venir de l’expérience, puisque certains faits qui en précèdent d’autres invariablement ne sont pas considérés comme leur cause, ainsi de la nuit par rapport au jour. Mill réplique que la précession doit être immédiate et invariable pour engendrer l’idée d’un lien causal. Whewell se place également au point de vue de l’intuition ; il regarde les axiomes comme des conditions absolues de la pensée. La réponse de Mill est faible, selon M. Ferri ; l’idée d’un rapport invariable entre l’antécédent et le conséquent, qu’elle se présente dans les axiomes ou dans le principe de causalité, est de même nature : elle résulte d’une association entre nos volitions et nos sensations musculaires concomitantes ; elle est illusoire quand elle prétend à une certitude et à une généralité supérieures à celles qu’autorise l’expérience constante suivie d’une habitude invétérée. Le principe d identité mis au rang d’une loi de la nature parait à notre auteur une conséquence fâcheuse et compromettante de l’empirisme anglais.

Le nominalisme de Mill est son erreur fondamentale. Il doit être « jugé sévèrement ». La linguistique a démontré en effet que tous les mots correspondent à une idée générale. Il y a donc une activité intérieure qui se déploie dans la conception de la pensée et aussi dans la formation du vocable. « La fonction intellectuelle se sert des données de l’expérience et de l’imagination, mais elle a quelque chose de propre et de supérieur aux conditions du sens et de la conscience subjective elle-même. » Ce que Mill décrit comme étant l’abstraction (à savoir l’attention restreinte à une sensation) n’en est que la forme inférieure. « Au delà de ces abstractions renfermées dans le cercle du sensible il s’en élève une autre dont les résultats sont absolument différents et qui consiste à voir les choses sub specie æternitatis, c’est-à-dire en sortant des conditions de l’espace et du temps, opération qui suppose manifestement pour base une puissance radicale de la pensée supérieure à celles qui dépendent de la sensibilité et de la conscience du sujet. » Nous n’avons pas l’intention d’entrer nous-même dans la discussion ; nous ne pouvons nous empêcher cependant de faire une remarque : M. Ferri ignore-t-il que la théorie de Muller est