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h. lachelier. — théorie de la connaissance.

de la Chose douée de propriétés changeantes, arrivent à former ainsi le concept d’une Substance matérielle, douée de propriétés constantes, substance qui échappe à toute observation, mais qui produit, néanmoins tous les phénomènes dont se compose l’expérience externe et interne. La seule différence qui distingue cette substance matérielle générale des substrats particuliers admis par les sciences pour relier certains groupes de phénomènes, est que ceux-ci pourront un jour devenir des faits d’expérience, tandis que les atomes matériels ne peuvent perdre leur caractère hypothétique qu’au terme du progrès à l’infini de la science, c’est-à-dire jamais. Le caractère à tout jamais hypothétique du concept de Substance est une conséquence de son caractère essentiellement métaphysique. En effet la matière ne pouvant jamais devenir un objet de l’expérience sensible, on peut seulement dire qu’une hypothèse répond mieux qu’une autre aux postulats de la Pensée Logique et aux nécessités de l’intuition. Mais il n’y aura jamais d’hypothèse qui puisse être considérée comme définitive. Et pourtant l’hypothèse de Substance est soumise, comme toutes les autres, à une évolution, et, par cette évolution, elle tend à perdre, elle aussi, son caractère hypothétique. Il ne peut plus être question à la vérité de transformer les éléments qui y sont réunis en vérités de fait. Nous avons vu les raisons qui rendent vaine toute tentative de ce genre. Mais, si ces éléments ne peuvent pas acquérir une certitude de fait, peut-être peuvent-ils acquérir une certitude logique ayant sa source dans les lois absolues de la pensée et de l’intuition. Nous verrons plus tard que c’est en effet le genre de certitude vers lequel ils tendent. Mais nous pouvons faire remarquer dès maintenant que quelques-uns d’entre eux ont déjà pu être déterminés d’une façon définitive, c’est-à-dire être transformés en vérités nécessaires. Ce sont ceux qui résultent par exemple de l’application immédiate des caractères du Temps et de l’Espace à la Substance, que nous sommes obligés de nous représenter dans ce Temps et dans cet Espace : a simplicité des éléments matériels, leur activité, leur constance. Ces caractères de la Substance sont évidents, nécessaires, pour ainsi dire à priori, bien qu’aucune expérience ne puisse jamais les démentir. Le but que la science se propose est de donner à tous les éléments du concept de Substance une même évidence et une même nécessité. Mais ce but recule toujours ; les éléments du concept hypothétique de M. Wundt sont pour le plus grand nombre provisoires ; beaucoup restent à découvrir et seront déterminés à mesure que la science progressera. Mais cette évolution doit s’étendre à l’infini, comme l’évolution de la connaissance humaine. Le terme du développement du concept de Substance ne peut pas plus être atteint que le terme