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h. lachelier. — théorie de la connaissance.

mière fois livrée. En effet, tant que le monde présentera à nos sens des objets égaux entre eux ou à peu près égaux (la Pensée sait faire abstraction des imperfections de ces égalités), il est évident que, des égalités A = B et B = C, il sera toujours possible de déduire l’égalité A = C. Une expérience qui ne pourrait se prêter à cette opération logique ne serait pas une expérience, car elle ne serait pas représentable. Il est donc absolument certain qu’aucun fait à venir, aucune découverte future delà science ne résistera jamais aux lois logiques. Il existe donc entre les lois de l’expérience et les lois de la Pensée une conformité parfaite. Et cette conformité ne surprendra pas, puisque ces lois ne sont pas du même ordre. D’un côté en effet, nous avons de simples données qui, pour obéir aux nécessités de notre intuition, doivent présenter certaines propriétés ; de l’autre, nous trouvons des actions libres de la Pensée, en présence de ces propriétés. La Pensée opère sur un certain nombre de « résultats » nécessairement constants de l’expérience. De là le double caractère de ses lois, d’être nécessaires d’une nécessité logique qui est l’essence de la pensée même et évidentes d’une évidence d’intuition qui est une nécessité de notre connaissance.

Les caractères dominants de la Pensée Logique, l’évidence, la nécessité, l’intelligibilité parfaite lui imposent, en face des données de l’expérience, une double tâche :

1o  Débarrasser l’expérience des contradictions, toujours apparentes, qu’elle peut présenter avec les principes logiques.

2o  Rendre l’expérience parfaitement intelligible, c’est-à-dire établir, entre tous les phénomènes et toutes les séries de phénomènes, une connexion pensable[1], conforme aux lois logiques et aux nécessités intuitives de la Pensée. Telle doit être l’œuvre de la Pensée Logique, et telle a été en effet, de tout temps, la tendance de la pensée humaine. Les principes logiques, par leur évidence et leur parfaite intelligibilité, sont pour l’esprit un modèle sur lequel il s’efforce de façonner le fait, ou plutôt un moyen puissant dont il dispose pour le plier à ses exigences. Il peut arriver que, par un effet de l’imperfection de nos moyens de connaissance, quelqu’une des données expérimentales se trouve en contradiction avec une autre. La Pensée Logique nous contraint, dans un cas pareil, à nous attacher de nouveau à l’observation du fait, jusqu’à ce qu’il ait été mis dans une coordination logique avec les faits déjà constatés, ou bien, s’il continue à résister aux principes logiques, elle le réservera

  1. Die Aufgabe des logischen Denkens ist die Erfahrung in einen durchaus begreiflichen Zusammenhang zu bringen.