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donne lieu cette fonction est le « Principe de Raison[1] ». Nous verrons plus tard que la causalité résulte d’une application de ce principe au contenu de l’expérience.

On donne généralement comme caractères dominants des principes logiques l’évidence et l’universalité. La Pensée Logique porte en elle-même une nécessité, qui nous fait attribuer aux liaisons qu’elle crée une certitude immédiate et absolue. Ses principes sont évidents, nécessaires à priori, et néanmoins ils peuvent s’appliquer à toute expérience particulière, dans tout le champ de la connaissance. Ils ne sont pas abstraits de l’expérience ; M. Wundt reconnaît avec justesse que l’expérience est impuissante à rendre compte de leurs propriétés, et pourtant il est certain qu’aucune expérience ne viendra jamais les contredire.

Cette conformité parfaite devient facilement explicable, si l’on se rappelle que la Pensée n’exerce que des fonctions logiques, et que ces fonctions ne donnent naissance à des principes qu’au contact de l’expérience. Il s’ensuit que le principe logique est une sorte d’expression de l’intuition immédiate des objets ; l’évidence qui le caractérise a sa source dans cette intuition, et c’est de là que vient le terme même d’évidence. Nous n’arriverions jamais, par exemple, à concevoir le principe d’identité, si l’intuition immédiate de nos représentations ne nous offrait des objets constants ; ni le principe de raison, si nous ne trouvions dans l’expérience des objets égaux entre eux, ou tout au moins sensiblement égaux. Cette condition empirique de la formation des lois logiques n’enlève rien à leur caractère d’apriorité. Ces lois ne sont pas des lois de la nature, puisqu’elles expriment non des propriétés des objets, mais des actes de notre pensée sur les objets. Notre pensée a seulement besoin de l’expérience pour agir. Il faut, pour que ses fonctions entrent en jeu, une cause occasionnelle, et cette cause occasionnelle est un simple regard intérieur jeté sur nos représentations et nos concepts, c’est-à-dire sur les objets de l’expérience interne. Comment se fait-il maintenant que la Pensée soit sûre de pouvoir appliquer ses lois à toute expérience à venir ? D’où vient, en d’autres termes, le caractère d’universalité de ces lois ? La réponse de M. Wundt est également simple. L’expérience n’existe qu’à la condition d’être représentable, c’est-à-dire de nous offrir des objets pourvus d’une certaine constance, distincts les uns des autres, en rapport les uns avec les autres. Ces conditions sont parfaitement suffisantes pour que la Pensée ait la certitude de pouvoir accomplir, sur toute donnée de l’expérience, le travail auquel elle s’est une pre-

  1. Satz von Grunde.