les vertébrés aux ascidies. Mais on devait pour cela négliger les importantes différences qui séparent le cordon des ascidies du cordon des véritables vertébrés ; ou, du moins, on les déclarait tout à fait accessoires. On ne tenait aucun compte des différences que présentent la structure et le développement des autres organes entre ces deux classes d’animaux. On oubliait enfin que chez les ascidies le cordon problématique dont il s’agit n’exerce aucune influence sur les autres organes, tandis qu’il en va tout autrement chez les vertébrés. On voit, par cet exemple, combien le point de vue particulier ou les idées préconçues des savants déterminent la nature de leurs appréciations.
Il convient de se souvenir de cet exemple dans l’examen du problème particulier de la descendance des espèces. L’ancienne doctrine ne croyait pouvoir mieux marquer les rapports des êtres qu’en les disposant sur l’échelle de ses classifications : aux degrés les plus rapprochés figuraient les espèces dont la parenté était la plus étroite. La théorie de la descendance a fait abandonner l’échelle zoologique. Les transformistes, qui sont partisans de l’hypothèse monophylétique, s’accordent pour comparer les espèces aux branches, aux rameaux issus d’un même tronc. Selon eux, toutes les races humaines, par exemple, seraient sorties d’un rameau unique de l’arbre zoologique l’espèce des singes anthropoïdes : ce rameau, à son tour, dériverait de la branche des animaux à moitié singes, les lémures, dont on aurait retrouvé et désigné sous le nom de Lémurie la patrie primitive, etc. L’image de l’arbre zoologique est assurément plus compliquée que celle de l’échelle ; mais elle l’est bien moins que celle dont sont obligés de faire usage les partisans de l’hypothèse polyphylétique. La même espèce y est conçue comme prenant naissance sur plusieurs points de l’espace et du temps. Les branches et les rameaux issus de ces troncs primitifs et distincts s’entremêleraient à l’infini, par une complication analogue à celle que présente le développement d’une éponge en vertu de la multiplicité des organes radicaux. Incontestablement notre besoin instinctif de la simplicité et de l’ordre nous porte à préférer, entre les deux hypothèses dont s’accommode également la doctrine évolutionniste, la classification monophylétique et la théorie qui la soutient ; tout comme, pendant des siècles, le dogme de l’immutabilité des espèces et la classification qui en dérive ont trouvé dans leur simplicité même leur meilleur argument. Mais les préférences de notre esprit ne suffisent pas à décider de la vérité des doctrines. C’est en vain qu’on croit pouvoir démontrer à priori l’évidence de la théorie monophylétique, en la présentant comme une rigoureuse application du principe de causalité. Les mêmes causes, dit-on, doivent avoir toujours les mêmes effets. Or il est incontestable que, dans l’infini du temps et de l’espace, les mêmes causes, ou en d’autres termes un concours identique de circonstances ne se rencontre jamais. La même espèce n’a donc pu faire son apparition à plusieurs époques, en plusieurs lieux différents. Mais est-il bien permis, en zoologie, de parler